Un appartement à 512 000 €. Un loyer moyen à 2000€. À première vue, acheter semble plus sûr. Pourtant, selon les travaux de Ben Felix (PWL Capital), la vérité est moins intuitive : les deux options coûtent presque la même chose, autour de 5 % du prix du bien chaque année. La différence ? Ce que vous faites de votre argent, pas l’adresse de votre boîte aux lettres.
Comparer, ce n’est pas additionner
Quand nous comparons un loyer à une mensualité d’hypothèque, nous oublions une chose essentielle : rembourser un prêt n’est pas un coût, c’est un transfert de capital. Ce qui compte, c’est le coût annuel total de la détention : entretien, taxes, rénovations, et surtout coût d’opportunité du capital immobilisé.
Voici un exemple percutant qui illustre ce biais : une maison achetée 51 900 € en 1974, revendue 1,65 M € en 2024. Rendement annuel composé : 7,16 %. À première vue, c’est impressionnant. Mais sur la même période, les actions mondiales (MSCI World) ont offert 10,2 % par an. Trois points d’écart par an pendant 50 ans… cela change tout.
Un investissement moins rentable qu’on le pense
Sur cinquante ans, la hausse moyenne du prix des logements atteint 6 % par an. Déduisez l’inflation moyenne de 3,76 %, il reste un rendement réel d’à peine 2,2 %. À l’échelle mondiale, les chercheurs montrent qu’en 150 ans, la pierre n’a surpassé l’inflation que d’un seul point, contre cinq points pour les actions. Ce simple écart d’environ 3 % représente ce qu’on appelle le coût d’opportunité d’investir dans un bien immobilier plutôt que dans des actifs boursiers.
Et cela ne s’arrête pas là. L’entretien, les réparations et les rénovations grignotent encore entre 2 % et 3 % de la valeur du bien chaque année. Les chiffres officiels le confirment : 0,81 % pour l’entretien courant, 2,35 % pour les rénovations, soit 3,1 % au total. Après toutes ces déductions, le rendement net de notre maison passe de 7,16 % à environ 5,16 %.
Quand le rêve rejoint la réalité
À ce stade, la détention d’un logement équivaut presque au coût de la location. Pour un bien de 512 300 €, la possession revient à environ 2 134 € par mois, soit quasiment l’équivalent du loyer moyen de 2 119 €. Autrement dit : acheter n’offre pas forcément un « gain caché ».
Certains pensent qu’une maison payée comptant supprime le coût global. Faux : le capital immobilisé a aussi un coût. L’utiliser à 0 % de rendement quand le marché actions peut rapporter 7 % à long terme, c’est une perte d’opportunité. Le paradoxe ? Même sans hypothèque, le propriétaire « paye » un coût invisible : l’argent qu’il ne fait plus fructifier ailleurs.
Le modèle comparatif : acheter vs louer
Le modèle à suivre pour bien comparer est simple : le propriétaire engage une mise de fonds, paie les taxes, l’entretien et l’hypothèque. Le locataire, lui, place cette même mise de fonds et la différence entre son loyer et la mensualité hypothécaire dans un portefeuille d’actions diversifié. Sur le long terme, ils atteignent un niveau de richesse comparable… à une condition : le locataire doit investir avec rigueur, sans céder à la tentation de dépenser la différence.
C’est là que la psychologie entre en jeu. Deux biais cognitifs brouillent notre jugement :
- Le biais de saillance : nous retenons le gain visible entre le prix d’achat et le prix de revente, sans voir les coûts intermédiaires.
- Le biais de compartimentation mentale : nous considérons la maison comme un actif isolé, en oubliant le capital qu’elle immobilise.
L’épargne forcée, un allié précieux
L’un des arguments les plus solides en faveur de l’achat, c’est la discipline. Un crédit immobilier crée une épargne forcée. Chaque paiement contribue à votre patrimoine, qu’il pleuve ou qu’il vente. Ce mécanisme protège contre nos propres faiblesses comportementales. Nous avons tous de bonnes intentions d’épargner. Peu d’entre nous les tiennent sur vingt ans.
Sur le plan émotionnel, détenir un logement procure une stabilité et une sécurité psychologique. Cela évite les déménagements imprévus, protège contre la hausse des loyers locaux, et permet de se projeter dans la durée. Pour un ménage fortement fiscalisé, la plus-value sur la résidence principale – exonérée d’impôt – renforce encore cet avantage.
Ce que disent les chiffres
Les simulations sont parlantes :
- Un acheteur au comptant finit souvent avec 2,2 M € de moins qu’un locataire ayant investi la même somme sur 50 ans.
- Avec un apport de 20 % et un prêt hypothécaire, l’écart tombe à 467 000 €, mais reste encore en faveur du locataire investisseur.
Les statistiques le confirment : les propriétaires ont souvent un patrimoine supérieur aux locataires, non pas parce que la maison « enrichit », mais parce qu’ils gagnent plus et épargnent plus régulièrement.
Ce qu’il faut retenir avant de choisir
La question « acheter ou louer » n’a pas de réponse universelle. Elle dépend de votre profil d’investisseur, de votre discipline et de votre horizon de vie. Voici une boussole simple :
- Vous cherchez la stabilité et la sécurité ? L’achat a du sens. Il convertit votre discipline en patrimoine concret.
- Vous maîtrisez votre budget et investissez chaque mois avec rigueur ? La location peut vous offrir la même richesse à long terme, avec plus de flexibilité.
- Vous hésitez ? Calculez votre coût total de possession (taxes, entretien, capital immobilisé) et comparez-le au rendement attendu d’un portefeuille d’ETF diversifié.
Un mot pour conclure
Il n’y a pas de mauvais choix, il y a un choix cohérent à exécuter. La clé, c’est la conscience financière. Si vous comprenez que votre maison n’est pas un placement magique, mais un mode de vie avec un coût, vous pouvez décider en connaissance de cause.
Nous pouvons tous bâtir notre liberté financière. Certains le feront à travers une hypothèque bien gérée, d’autres au moyen d’un portefeuille d’investissements discipliné. L’essentiel, c’est d’agir de façon lucide et durable. Car au fond, le vrai luxe n’est pas de posséder, mais de choisir librement.
