3 lauréats pour réinventer la croissance par l’innovation

Un atelier de prototypage, trois ingénieurs et une idée qui change tout. Voilà souvent le point de départ d’une révolution économique. L’innovation, ce n’est pas seulement la promesse d’un produit plus performant, c’est un moteur de croissance endogène. L’Académie royale des sciences de Suède l’a rappelé en honorant Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt, trois chercheurs qui ont redonné vie à un vieux concept : la destruction créatrice.

Quand la recherche devient richesse

Joel Mokyr, historien de l’économie à l’Université Northwestern, explique que la croissance durable ne s’installe que lorsque la connaissance scientifique pénètre les ateliers. Avant la révolution industrielle, artisans et commerçants amélioraient leurs pratiques par tâtonnement. Dès que la mécanique, la métallurgie ou la chimie se sont mêlées à la production, tout a changé. Résultat : le Royaume-Uni a décollé au XIXe siècle, non pas par hasard, mais grâce à l’alliance entre science et industrie.

Cette idée a une résonance directe aujourd’hui. Nous vivons un moment similaire avec l’intelligence artificielle, la biotechnologie ou l’économie verte. Des entrepreneurs transforment des découvertes en croissance réelle. Le lien entre laboratoire et atelier reste la clé.

Innover, c’est oser la destruction

Philippe Aghion et Peter Howitt ont prolongé les intuitions de Schumpeter dans un cadre clair : la croissance vient de l’intérieur du système. Les nouvelles entreprises remplacent les anciennes. Tous les ans, environ 10 % des sociétés américaines ferment et autant naissent (Source : U.S. Census Bureau). Ce renouvellement constant fait partie du jeu. Les chercheurs ont montré que la concurrence stimule l’investissement en recherche et développement. Les entreprises qui innovent rapidement l’emportent, celles qui stagnent disparaissent. Loin d’être une tragédie, cette dynamique crée de la richesse et renouvelle les emplois.

Mais cette création ne va pas sans coût humain. Les deux économistes insistent sur la nécessité d’un accompagnement. Sans formation, sans transition pour les travailleurs dont le métier devient obsolète, la croissance perd son soutien social. L’innovation n’est durable que si elle s’accompagne de politiques de reconversion. C’est un message à méditer pour les pouvoirs publics : la destruction créatrice doit rester une évolution partagée.

Le rôle décisif des politiques publiques

Les travaux d’Aghion et Howitt montrent qu’un État peut encourager ou freiner l’innovation selon la manière dont il conçoit ses aides. Des subventions mal ciblées peuvent déstabiliser les entreprises en réduisant leurs incitations à innover. À l’inverse, une fiscalité claire, des règles de concurrence précises et une politique de formation ambitieuse renforcent l’écosystème.

Le défi actuel : garder cet équilibre tout en affrontant la crise climatique. Philippe Aghion plaide pour une tarification du carbone qui rende la croissance compatible avec la réduction des émissions. Autrement dit, la croissance doit devenir verte, pas s’arrêter.

Entrepreneurship et climat intellectuel

Mokyr insiste sur un autre facteur souvent négligé : la culture du changement. Une société qui tolère l’échec et valorise la curiosité crée plus facilement des innovateurs. Un climat intellectuel ouvert agit comme un terreau fertile pour la recherche appliquée. C’est ce que nous constatons dans les écosystèmes entreprenants : universités, start-up et investisseurs collaborent sans cloison. Ce qui compte, c’est la circulation des idées.

Nous avons tous un rôle dans ce processus. Soutenir l’innovation, c’est faire confiance à celles et ceux qui créent. Dans une PME, dans un laboratoire ou dans un garage, chaque tentative compte. C’est là que la croissance prend racine.

Les risques du repli

Les trois lauréats alertent : le protectionnisme menace la dynamique d’innovation. Des droits de douane élevés, des marchés verrouillés, ou des comportements anticoncurrentiels étouffent les jeunes pousses. L’innovation a besoin de respiration, d’échanges, d’idées qui voyagent. Sans cela, nous risquons la stagnation que nos ancêtres ont connue entre 1300 et 1700, quand les niveaux de vie en Europe progressaient à peine (Source : Mokyr, 2016).

La croissance n’est pas un acquis. C’est une conquête permanente. Une mauvaise politique économique peut la faire régresser. Les sociétés qui ferment leurs portes à la nouveauté se condamnent à l’immobilité. Celles qui stimulent la création acceptent le mouvement, même chaotique, de la transformation.

Des chiffres qui parlent

  • Dotation du prix : 11 millions de couronnes suédoises, soit environ 1,01 million d’euros.
  • Partage : moitié pour Joel Mokyr, moitié pour Philippe Aghion et Peter Howitt (Source : Académie royale des sciences de Suède).
  • 96 des 99 lauréats en économie depuis 1969 sont des hommes, principalement issus d’universités américaines.
  • Aux États-Unis, plus de 600 000 nouvelles entreprises se créent chaque année (Source : U.S. Small Business Administration).

Ces chiffres traduisent un écosystème mondial qui reste inégal, mais toujours en mouvement. La recherche récompensée souligne l’importance de multiplier les sources d’innovation et les profils de créateurs.

Ce que cela change pour nous

Pour les entrepreneurs, cette reconnaissance académique envoie un message fort : la création d’entreprise n’est pas un à-côté, c’est une contribution au bien commun. Chaque innovation réussie, même modeste, participe à la croissance. Chaque initiative avortée nourrit la suivante. Ce cycle vertueux résume la logique de la destruction créatrice.

Pour les décideurs, la leçon est claire : il faut encourager la prise de risque, financer la recherche, accompagner les transitions professionnelles et maintenir une concurrence saine. La croissance vient des marges, de la nouveauté, pas du contrôle excessif.

Pour les citoyens, comprendre ces mécanismes aide à mieux percevoir les transformations économiques : quand une technologie remplace un métier, ce n’est pas une fin, c’est un passage. La clé réside dans l’adaptation, dans la formation continue et dans la curiosité intellectuelle. Ces attitudes constituent notre meilleure assurance contre la stagnation.

Vers une croissance plus humaine

Si l’on veut une croissance durable, il faut qu’elle soit inclusive. Aghion, Howitt et Mokyr s’accordent : les perdants du progrès doivent recevoir du soutien, sans quoi le consensus autour de la croissance se brise. Une économie innovante mais inégalitaire finit par s’affaiblir elle-même.

Le message à retenir : la croissance n’est pas qu’un chiffre, c’est une dynamique sociale. Les entrepreneurs innovants n’ajoutent pas seulement des points de PIB. Ils créent du renouvellement collectif. Ils montrent qu’un futur plus responsable et plus efficace est possible.

« La croissance ne doit pas être interrompue, mais rendue compatible avec la réduction des émissions », souligne Philippe Aghion (Entretien post‑attribution).

Conclusion : place aux passeurs d’avenir

Ce prix Nobel n’honore pas seulement trois chercheurs. Il reconnaît tous ceux qui font le pari quotidien de l’innovation. Chefs d’entreprises, chercheurs, étudiants, investisseurs : nous faisons partie du même cycle. Nous construisons le monde de demain, pas à pas, par chaque idée testée, chaque échec compris, chaque réussite partagée.

La croissance n’est durable que si elle accueille le changement. Et le changement ne vit que si des femmes et des hommes décident d’en être les artisans. Voilà toute la puissance des créateurs d’entreprise innovants : ils ne prédisent pas l’avenir, ils le fabriquent.

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