Épargner, c’est facile. Retirer, c’est plus subtil. Quand vient le moment d’utiliser son capital, tout se joue : combien retirer sans risque de tout épuiser ? Cette question, chaque futur retraité se la pose. Et c’est là qu’entre en scène la fameuse règle des 4 %, vieille de plus de trente ans, mais encore bien vivante.
Une idée simple née dans les années 90
Bill Bengen, planificateur financier américain, voulait répondre à une interrogation précise : « Combien puis-je retirer chaque année de mon portefeuille sans craindre de manquer d’argent avant la fin de ma vie ? ». Après des tests sur des décennies de données boursières, il en est arrivé à une conclusion : retirer 4 % de son capital initial la première année, puis ajuster ce montant selon l’inflation, permettait de tenir environ trente ans avec un risque très faible d’épuisement du capital.
L’étude originale posait un cadre simple : un portefeuille équilibré à 50 % d’actions américaines à grande capitalisation et 50 % d’obligations d’État. Cette approche a servi de base à des milliers de plans de retraite depuis. (Source : Bill Bengen, 1994)
Trente ans plus tard : le contexte a changé
Nous vivons aujourd’hui dans un monde financier plus complexe : taux bas prolongés, marchés mondiaux interconnectés, diversification massive, montée des ETF et produits sectoriels. Autant d’éléments qui modifient la donne.
Malgré cela, selon Michael Kitces, conseiller financier et chercheur reconnu (podcast BiggerPockets), la règle des 4 % reste un excellent repère, à condition d’en comprendre les limites. Ses simulations montrent que, dans la grande majorité des cycles de marché – y compris les crises de 2000 et de 2008 – cette stratégie tient bon. Les rares échecs surviennent lorsque les rendements restent faibles pendant des années et que l’inflation redécolle.
Pourquoi elle reste pertinente
- Elle donne une boussole claire. Beaucoup d’épargnants se noient dans les calculs. La règle des 4 % leur fixe un objectif simple : à capital constant, connaître immédiatement un revenu annuel estimatif.
- Elle incite à penser long terme. Retirer 4 % suppose une gestion prudente et un horizon de plusieurs décennies. C’est une ancre psychologique qui protège contre les décisions impulsives.
- Elle reste prudente. Même avec des taux bas, les portefeuilles diversifiés montrent une résilience étonnante. Les données historiques confirment que retirer 4 % reste soutenable pour la majorité des cycles.
Mais attention : ce n’est pas un autopilote
Chaque retraite a son histoire. La règle ne tient pas compte de la pension publique, de l’immobilier, des revenus partiels ou de l’état de santé. Elle part du principe que vos dépenses restent constantes, alors qu’en réalité elles diminuent souvent après 75 ans. Résultat : la règle des 4 % n’est pas une formule magique, c’est un point de départ pour réfléchir à son rythme de vie.
« Nous devons voir la règle des 4 % comme un repère de navigation, pas comme un GPS verrouillé. »
Un exemple concret : retraite semi-active
Permettez-moi de partager un exemple personnel. Avec mon épouse, nous avons bâti un portefeuille supérieur à un million de dollars, adossé à une maison totalement payée. Si nous appliquons la règle des 4 %, nous obtenons environ 40 000 $ de revenu annuel, ajusté pour l’inflation, jusqu’à nos quatre-vingts ans. C’est simple, rassurant… mais un peu rigide.
Dans la réalité, nous préférons une approche plus souple : retirer un peu moins quand les marchés vacillent, un peu plus lors des bonnes années, compléter avec les dividendes, réduire certains postes de dépenses. Cette flexibilité nous semble plus réaliste. Vivre des dividendes uniquement, c’est trop réducteur ; tout dépend du contexte de marché et de nos besoins du moment.
Les leviers pour moderniser la règle
Pour actualiser la méthode sans la dénaturer, trois pistes simples :
- Adapter le taux au risque réel. Si votre portefeuille est plus agressif que le 50/50 historique, un retrait initial de 3,5 % peut être préférable. À l’inverse, un profil très défensif supportera difficilement 4 % constants.
- Recalculer périodiquement. Tous les deux ou trois ans, vérifiez la soutenabilité du plan : évolution des marchés, inflation, nouvelles dépenses. La retraite n’est pas une ligne droite.
- Intégrer vos autres revenus. Les pensions, loyers, activités partiellement rémunérées prolongent la durée de vie de votre capital. Chaque source compte.
Le nouvel équilibre : capital, temps et liberté
Ce que la règle des 4 % nous apprend, c’est l’art du dosage. Elle équilibre sécurité et liberté. Elle traduit une promesse simple : vivre de son épargne sans s’y enfermer. Ce n’est pas une recette miracle, mais c’est une grammaire de bon sens.
Les jeunes investisseurs y trouvent un objectif clair : pour chaque tranche de 1 000 € de revenu annuel souhaité, il faut viser environ 25 000 € de capital. Cela rend la planification tangible. Les quinquagénaires y voient un test de solidité de leur patrimoine. Et les retraités déjà installés s’en servent comme instrument de pilotage par gros temps.
Les enseignements à retenir
- Le marché change, la discipline reste. Les cycles se succèdent, mais la clé demeure la constance du plan.
- Le pourcentage n’est qu’un repère. C’est l’équilibre entre vos besoins et vos rendements qui compte.
- La flexibilité fait la différence. Revoir son taux de retrait, c’est préserver son capital et sa sérénité.
Conclusion : une boussole, pas une règle gravée
La règle des 4 % reste d’actualité parce qu’elle résiste à l’épreuve du temps et qu’elle parle à notre bon sens financier. Elle montre que la longévité du capital dépend moins du chiffre précis que de l’attitude de l’investisseur face au marché. En ce sens, elle traverse les cycles, les crises, les changements de paradigme.
Utilisée intelligemment, elle permet de concilier deux objectifs souvent contradictoires : ne pas manquer d’argent et profiter de la vie aujourd’hui. C’est ce point d’équilibre – ni trop prudent, ni trop aventureux – qui fait toute sa force.
Alors oui, la règle des 4 % tient toujours la route. À condition de garder les mains sur le volant.
Sources : podcast BiggerPockets avec Michael Kitces ; étude originale de Bill Bengen (1994) ; analyses de planification financière personnelle.
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