Un pays à genoux, un pari risqué, et un redressement express : voilà le scénario argentin depuis l’arrivée de Javier Milei fin 2023. Contre toute attente, l’économie libérale a redonné de l’oxygène à un pays fatigué par la dette, les subventions et l’inflation galopante. En observant ce tournant, nous voyons combien la discipline budgétaire peut parfois ramener la confiance, même quand elle semble politiquement impossible.
Un ménage budgétaire radical
Imaginez un État qui dépense plus qu’il ne gagne depuis des décennies. C’était le cas de l’Argentine. Milei a décidé de casser cette habitude. En quelques mois, il a réduit les dépenses publiques de 31 % (source : CEIC Data) : fin des subventions à l’énergie, aux transports et aux provinces, baisse des retraites, coupes dans la fonction publique. Pour beaucoup, c’était un saut dans le vide. Et pourtant, le déficit chronique a quasiment disparu.
Ce rééquilibrage budgétaire n’était pas qu’un objectif comptable. Il visait à casser la spirale inflationniste. Les chiffres parlent : alors que les prix grimpaient à trois chiffres chaque année, l’inflation est tombée à 2,4 % par mois (soit environ 33 % par an), selon Bloomberg. Bien sûr, c’est encore élevé, mais pour un pays habitué à l’hyperinflation, c’est une rupture majeure.
La monnaie remise à plat
Autre choc : la dévaluation du peso de plus de 50 %. Une décision douloureuse à court terme, mais nécessaire pour rétablir la compétitivité. Dans le même temps, la levée des contrôles de changes a envoyé un message clair : le marché devait respirer à nouveau.
Résultat : les investisseurs ont commencé à revenir, timidement d’abord, puis avec plus d’assurance. La confiance monétaire s’est réinstallée, et avec elle, la possibilité de planifier, d’investir, de recréer une dynamique interne.
Des réformes microéconomiques au scalpel
Le chantier ne s’est pas arrêté là. Le gouvernement a lancé une libéralisation ciblée : dérégulation du travail, suppression du contrôle des loyers, amorce de privatisations, assouplissement dans la santé, la finance et les transports. Autrement dit, il a redonné de la souplesse au tissu productif.
Prenons un exemple concret : la suppression du contrôle des loyers fin 2024. Beaucoup craignaient une flambée immédiate. C’est l’inverse qui s’est produit. À Buenos Aires, les annonces de location ont bondi de 195 %, et les loyers moyens ont baissé d’environ 10 % (source : Newsweek, Observatoire immobilier). L’offre s’est libérée, preuve qu’un marché étouffé peut rebondir vite dès que la contrainte disparaît.
Un choc social… puis un rebond rapide
Aucune politique de rupture n’épargne les débuts difficiles. La récession de 2024 a fait grimper la pauvreté à 53 % et le chômage à 7 %. Ces chiffres ont marqué l’opinion. Mais dès début 2025, le mouvement s’est inversé : +5,8 % de croissance du PIB au premier trimestre, consommation privée +11,6 %, et pauvreté retombée à 38,1 % selon les données officielles (source : Bloomberg, CEIC Data).
JP Morgan estime que cette expansion va se poursuivre. Le pays semble avoir franchi le creux du cycle. C’est un enseignement important : une cure d’austérité bien calibrée peut être douloureuse au départ, mais elle ne condamne pas une société à long terme. Elle peut au contraire rétablir les fondations d’un équilibre durable.
Des inégalités sous contrôle
On pourrait croire que ces réformes profitent surtout aux plus riches. Pourtant, l’indice de Gini, qui mesure les inégalités, reste stable. Pas de dérapage majeur constaté. Les tensions sociales existent, mais le tissu social ne s’est pas effondré. C’est un point souvent ignoré dans les critiques du libéralisme : stabilité et équité ne sont pas forcément incompatibles avec la discipline budgétaire.
Un rappel utile pour les économistes
Noah Smith, économiste et chroniqueur, souligne que cette expérience argentine remet en perspective la peur de l’austérité. Trop souvent, les politiques keynésiennes ou inspirées de la MMT tolèrent le déficit permanent en espérant qu’il relancera la croissance. Mais quand la confiance s’effrite, la planche à billets devient un piège. L’Argentine montre qu’un retour rapide à l’équilibre, même brutal, peut recréer un climat de stabilité propice à l’investissement et à la croissance (source : Bloomberg).
Bien sûr, le libéralisme n’est pas une solution unique. Smith admet que tout dépend du contexte : la Chine de Deng, l’Inde des années 1990, le Vietnam ou la Pologne ont tous adapté les réformes de marché à leur réalité. L’important, c’est la clarté du cap et la constance dans l’application.
Des leçons pour l’avenir
Ce cas argentin redonne de la matière à réflexion pour les dirigeants en quête de redressement. Trois enseignements se dégagent :
- Rétablir la confiance avant tout : réduire le déficit et stabiliser la monnaie redonnent un cadre clair aux acteurs économiques.
- Libérer les marchés de contraintes excessives : quand les prix, les loyers ou les salaires sont contrôlés, l’offre se bloque.
- Maintenir un cap cohérent : les résultats émergent seulement si la politique reste claire et crédible.
Pourquoi cela nous concerne
En tant qu’observateurs et praticiens de l’économie, nous pouvons tirer un parallèle avec nos propres défis. Chaque pays connaît ses rigidités budgétaires, administratives ou sociales. L’important, c’est de comprendre quand il faut réguler et quand il faut libérer.
Si un État vit à crédit trop longtemps, la rigueur devient inévitable. Si un marché dérive, la régulation reprend sa place. C’est un équilibre mouvant, à ajuster selon la conjoncture. L’économie libérale, appliquée avec lucidité et transparence, n’est pas une idéologie : c’est un outil de stabilisation.
Une économie plus saine, une société plus confiante
L’histoire récente de l’Argentine rappelle cela avec force : la liberté économique ne consiste pas à tout déréguler, mais à permettre aux acteurs de respirer dans un cadre juste. Quand la dépense publique devient soutenable, que la monnaie inspire confiance et que les marchés retrouvent leur rôle, la société redécouvre le goût du projet collectif.
Et c’est bien ce que nous observons : des entrepreneurs qui réinvestissent, des jeunes qui croient à nouveau en leur pays, et un État qui se reconcentre sur ses missions essentielles. Rien de spectaculaire, juste une normalité nouvelle : celle d’une économie libérale qui fonctionne.
Sources : CEIC Data, Bloomberg, Newsweek.
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