Rapport Intérimaire du Groupe de Haut Niveau de l’Union Africaine pour l’Egypte

ADDIS ABEBA, Ethiopie, 30 janvier 2014/African Press Organization (APO)/ — I. INTRODUCTION

Au cours des trois dernières années, l’Union africaine (UA) a porté une attention soutenue à la situation en Égypte. Alors que des progrès importants avaient été accomplis à la suite de la Révolution du 25 janvier 2011, notamment avec l’élection, en juin 2012, d’un Président de la République, l’Égypte a continué à faire face à de sérieux défis, y compris la frustration croissante de nombreux Égyptiens sur la gestion du pays, des difficultés économiques persistantes, une détérioration de la situation sécuritaire et une polarisation sociopolitique. La période qui a suivi la dernière session ordinaire de la Conférence de l’Union a été marquée par une escalade de la crise, qui a conduit au renversement, le 3 juillet 2013, du Gouvernement du Président Mohamed Morsi, à la suspension de la Constitution et à la nomination et à la prestation de serment d’un chef d’Etat par intérim.

Le présent rapport porte sur les efforts déployés par l’UA en ce qui concerne la situation en Égypte, y compris les mesures prises à l’issue de la 384ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS), tenue le 5 juillet 2013, et fait le point des derniers développements intervenus dans le pays. Le rapport se conclut par des recommandations sur la voie à suivre.

I. RÉACTION DE L’UA AUX ÉVÈNEMENTS DU 3 JUILLET 2013

Lors de sa réunion 384ème citée ci-dessus, le CPS a examiné la situation en Égypte. Dans le communiqué adopté à l’issue de ses délibérations, le CPS a rappelé les instruments pertinents de l’UA sur les changements anticonstitutionnels de Gouvernement, notamment la Déclaration de Lomé de juillet 2000 et la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance de janvier 2007, qui prévoient la mise en œuvre automatique de mesures spécifiques à chaque fois qu’un changement anticonstitutionnel de Gouvernement se produit, et a réitéré la condamnation et le rejet par l’UA de toute prise illégale du pouvoir. Le CPS a affirmé que le renversement du Président démocratiquement élu, Mohamed Morsi, n’était pas conforme aux dispositions pertinentes de la Constitution égyptienne et tombait, par conséquent, sous le coup de la définition d’un changement anticonstitutionnel de Gouvernement telle que contenue dans les instruments pertinents de l’UA. Aussi le CPS a-t-il décidé de suspendre la participation de l’Égypte aux activités de l’UA jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel.

La CPS a appelé toutes les parties prenantes égyptiennes à faire preuve d’esprit de dialogue et de tolérance mutuelle et à s’abstenir de tout acte de violence et de vengeance. Il les a encouragés à persévérer sur la voie de la réconciliation nationale de façon à contribuer à la préparation harmonieuse des élections devant conduire à la restauration de l’ordre constitutionnel. Le CPS a exhorté les nouvelles autorités égyptiennes à initier, sans délai, des consultations inclusives en vue de l’adoption d’un calendrier consensuel pour l’organisation d’élections libres, régulières et transparentes. Le CPS a exprimé la solidarité de l’UA avec le peuple égyptien et son engagement à appuyer de toutes les façons possibles ce processus et à soutenir les efforts à long terme pour résoudre les problèmes structurels auxquels l’Égypte est confrontée. Le CPS s’est félicité de la décision de la Présidente de la Commission de dépêcher une équipe de hautes personnalités en Égypte, aux fins d’interagir avec les autorités au pouvoir et les autres parties prenantes égyptiennes. Il a lancé un appel aux partenaires de l’UA, tant bilatéraux que multilatéraux, pour qu’ils apportent leur plein appui aux efforts de l’UA et œuvrent en faveur d’une approche coordonnée de la situation. À cet égard, le CPS a demandé à la Présidente de la Commission de mettre en place, sous l’égide de l’UA, un Forum consultatif international qui regroupera l’Égypte et les acteurs internationaux concernés, afin de faciliter une action coordonnée en appui à une transition devant conduire à la restauration de l’ordre constitutionnel, à l’approfondissement du processus démocratique et à la mobilisation d’une aide économique et financière qui soit à la mesure des besoins de l’Égypte et des défis auxquels le pays est confronté.

III. MISE EN PLACE DU GROUPE DE HAUT NIVEAU POUR L’EGYPTE

Le 8 juillet 2013, dans le prolongement du communiqué du CPS cité plus haut, la Présidente de la Commission a mis en place le Groupe de haut niveau de l’UA pour l’Égypte composé de M. Alpha Oumar Konaré, ancien Président de la République du Mali et ancien Président de la Commission de l’UA, en qualité de Président du Groupe ; de M. Festus Mogae Gontebanye, ancien Président de la République du Botswana ; et de M. Dileita Mohamed Dileita, ancien Premier ministre de la République de Djibouti.

Le Groupe a été chargé d’« interagir avec les autorités au pouvoir et les autres parties prenantes égyptiennes, afin d’établir un dialogue politique constructif visant à faciliter la réconciliation nationale, ainsi que de contribuer aux efforts qu’elles déploient dans le cadre d’une transition devant conduire au retour rapide à l’ordre constitutionnel, à la préservation des acquis de la Révolution de janvier-février 2011 et à la consolidation du processus démocratique dans leur pays ».

IV. RÉPONSE DU GOUVERNEMENT ÉGYPTIEN AU COMMUNIQUÉ ET AU COMMUNIQUÉ DE PRESSE SUBSÉQUENT DU CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

Dans une note verbale datée du 9 juillet 2013 adressée à la Commission, les autorités intérimaires égyptiennes ont rejeté le communiqué du CPS, indiquant qu’il était fondé sur une interprétation erronée de « la Révolution populaire survenue, le 30 juin 2013, en Egypte ». Les autorités ont également rejeté « la proposition de créer un Forum consultatif international ».

Lors de sa 395ème réunion tenue le 13 septembre 2013, le CPS a suivi une communication du Groupe de haut niveau pour l’Égypte, à la suite de sa première visite dans ce pays, du 27 août au 4 septembre 2013. Dans le communiqué de presse publié à cette occasion, le CPS a exprimé sa gratitude aux autorités égyptiennes pour avoir facilité la visite du Groupe, ainsi que ses consultations avec diverses parties prenantes égyptiennes. Il a également salué les mesures prises par le Groupe pour interagir avec les acteurs internationaux concernés. Le CPS a encouragé le Groupe à poursuivre ses efforts, indiquant attendre avec intérêt son rapport sur la mise en œuvre de son mandat. Le CPS a rappelé ses communiqués et communiqués de presse antérieurs sur la situation en Égypte, soulignant, à cet égard, la nécessité pour toutes les parties de rejeter la violence sous toutes ses formes et de faire prévaloir l’esprit de dialogue, l’inclusivité et la réconciliation nationale.

Par note verbale datée du 23 septembre 2013, l’Ambassade d’Égypte à Addis Abéba a fait part de la préoccupation des autorités intérimaires face à l’approche de la situation par l’UA, malgré sa disposition à interagir avec elle, et sa coopération sans réserve avec le Groupe. En particulier, les autorités intérimaires ont noté avec regret que le communique du CPS du 13 septembre 2013 a ignoré un certain nombre de faits essentiels, notamment les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Feuille de route consensuelle pour la période de transition et l’absence de condamnation de la tentative d’assassinat, le 5 septembre 2013, contre le Ministre de l’Intérieur. En outre, les autorités intérimaires ont réitéré leur rejet des mesures et actions visant à rechercher des solutions à la situation en Égypte au-delà du cadre africain, ainsi que leur engagement à bâtir les fondements d’une véritable démocratie représentative sans exclusive, a condition que tous les acteurs politiques concernés rejettent la violence. Les autorités intérimaires, tout en affirmant attendre avec intérêt le soutien de l’UA, ont affirmé que le maintien de la suspension de l’Égypte des activités de l’UA aurait un impact négatif sur l’Union, ainsi que sur les intérêts du continent dans son ensemble.

V. ACTIVITÉS DU GROUPE

Après sa mise en place, le Groupe de haut niveau a tenu sa première réunion à Addis Abéba, le 16 juillet 2013. La réunion a été l’occasion pour la Commission d’informer les membres du Groupe de haut niveau du mandat du Groupe et de discuter de son programme de travail, y compris une visite en Égypte. La réunion a également permis de discuter des modalités d’interaction avec les partenaires internationaux, notamment la Ligue des États arabes, en vue de faciliter un soutien coordonné et efficace à une transition inclusive devant conduire au retour rapide à l’ordre constitutionnel.

Le Groupe avait prévu de se rendre au Caire du 17 au 25 juillet 2013, peu de temps après sa réunion inaugurale. En conséquence, le 11 juillet 2013, la Commission a adressé une note verbale à l’Ambassade d’Égypte à Addis Abéba pour l’informer de la visite envisagée. Dans une note verbale en date du 15 juillet 2013, l’Ambassade a indiqué à la Commission « qu’en prélude à la visite proposée, le Gouvernement de l’Égypte souhaiterait discuter de toutes les questions liées au mandat, aux objectifs et aux méthodes de travail du Groupe proposé». Par la suite, le 22 juillet 2013, une Envoyée spéciale présidentielle égyptienne a rencontré la Présidente de la Commission, ainsi que le Commissaire à la Paix et à la Sécurité, au siège de l’UA, à Addis Abéba. Lors de la réunion avec la Présidente, l’Envoyée spéciale a fait part de la position des autorités intérimaires égyptiennes et de leur mécontentement à la suite de la décision du CPS du 5 juillet 2013 de suspendre la participation de l’Égypte aux activités de l’UA jusqu’à la restauration de l’ordre constitutionnel. L’Envoyée a également demandé des précisions sur les termes de référence et le mandat du Groupe de haut niveau de l’UA pour l’Égypte. La Présidente de la Commission a apporté les réponses à ces questions. À la fin de la séance, la Présidente et l’Envoyée spéciale ont convenu que le Groupe de haut niveau se rendrait en Égypte pour rencontrer les parties prenantes égyptiennes et informer, par la suite, le CPS du déroulement et des résultats de sa mission. Lors d’une réunion avec le Commissaire à la Paix et à la Sécurité, l’Envoyée spéciale égyptienne a présenté  » la Feuille de route du Gouvernement pour la période de transition », et a discuté des modalités et du calendrier de la visite du Groupe de haut niveau.

À la suite de ces consultations avec les autorités égyptiennes, le Groupe s’est rendu au Caire à deux reprises, du 27 juillet au 5 août et du 28 août au 5 septembre 2013, respectivement. La deuxième visite, en particulier, a eu lieu dans un contexte marqué par une certaine déception des autorités intérimaires égyptiennes, née du maintien de la suspension de la participation de leur pays aux activités de l’UA, alors qu’elles espéraient que le Groupe, après sa première visite, recommanderait la levée de la suspension de leur pays. En fait, l’entendement des autorités égyptiennes, tel qu’articulé par le Ministre des Affaires étrangères à l’issue de la première visite du Groupe, était que celle-ci serait aussi la dernière et qu’elle avait pour objectif de permettre au Groupe de recueillir l’information nécessaire à l’intention du CPS, en vue de lui permettre de lever la suspension de l’Égypte.

Au cours de ses deux visites, le Groupe a interagi avec diverses parties prenantes égyptiennes, y compris le Président par intérim Adly Mansour, le Vice-Président d’alors Mohammed El Baradei, le Premier ministre Hazem el-Beblawi, le Vice-Premier ministre par intérim et Ministre de la Défense, le Général Abdel Fattah Al-Sisi, le Ministre des Affaires étrangères Nabil Fahmy, le Ministre de la Justice Adel Abdel Hamed, et le Ministre de la justice transitionnelle et de la Réconciliation nationale, Amin El Mahdi. Le Groupe a également rencontré le mouvement Tamarood (rebelle), le Mouvement du 6 Avril, le Conseil national des Femmes, le Conseil national des Droits de l’Homme, le Conseil égyptien de Politique étrangère, ainsi que des intellectuels, des écrivains et des hommes d’affaires. En outre, le Groupe a rencontré le Président Mohamed Morsi. Le Groupe s’est également rendu dans le quartier d’Al-Rabaa Adawiya au Caire, alors lieu d’un grand rassemblement de protestation des partisans du Président Mohamed Morsi, et a rencontré des représentants des Frères musulmans et de partis, groupements et personnalités qui lui sont proches. En outre, le Groupe a rencontré le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Nabil Elaraby. Il s’est entretenu avec les Ambassadeurs africains et européens accrédités en Egypte. Il a également rencontré de hautes personnalités égyptiennes, comme l’ancien Ministre des Affaires étrangères et ancien Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Amr Moussa.

Le Groupe s’est réuni à Addis Abéba, du 12 au 14 août 2013, pour évaluer les résultats de la visite effectuée en Égypte, du 27 juillet au 5 août 2013, et ceux de ses consultations avec les différentes parties prenantes et, sur cette base, convenir des prochaines étapes de la mise en œuvre de son mandat. Le Groupe a saisi l’occasion pour rencontrer le Président de l’UA, le Premier ministre Hailemariam Desalegn de l’Éthiopie, afin de l’informer de ses activités. Le Groupe a également rencontré le Vice-Président de la Commission, Erastus Mwencha, au nom de la Présidente de la Commission, Dr Nkosazana Dlamini-Zuma, pour discuter de la situation en Égypte et des efforts connexes de l’UA. Le 14 août 2013, le Groupe de haut niveau a fait une communication au CPS sur l’évolution de la situation en Égypte. A l’issue de cette réunion, le CPS a adopté un communiqué de presse, dans lequel il a noté avec préoccupation qu’en dépit des initiatives prises par des acteurs égyptiens et différents membres de la communauté internationale, la situation sur le terrain reste tendue, nécessitant en conséquence un dialogue constructif entre les parties, en vue d’assurer la stabilité à long terme de l’Égypte, la cohésion et la prospérité de son peuple. Le CPS fermement condamné les actes de violence qui ont conduit, le 14 août 2014, à la perte de nombreuses vies humaines au Caire et ailleurs en Égypte, et a instamment demandé à tous les acteurs égyptiens, en particulier les autorités intérimaires, de faire preuve de la plus grande retenue. Le CPS a encouragé le Groupe de haut niveau à entreprendre, le plus tôt possible, une nouvelle mission en Égypte.

À la veille de sa seconde visite en Égypte, le 27 aout, le Groupe a rencontré la Présidente de la Commission pour lui faire le point de ses activités et procéder à un échange des vues sur sa visite alors imminente.

Du 9 au 12 septembre 2013, et dans le cadre des interactions du Groupe avec les parties prenantes internationales, deux de ses membres, l’ancien Président Festus G. Mogae et l’ancien Premier ministre Dileita Mohamed Dileita, se sont rendus aux Émirats Arabes Unis, où ils ont eu des consultations avec le Prince héritier Sheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan et le Ministre des Affaires étrangères Sheikh Abdullah bin Zayed Al Nahyan. Pour sa part, le Président du Groupe, Alpha Oumar Konaré, s’est rendu au Tchad du 15 au 17 septembre 2013, où il s’est entretenu avec le Président Idriss Déby Itno, en sa qualité de Président en exercice de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD). Du 17 au 19 septembre 2013, le Président du Groupe s’est rendu au Qatar, où il a eu des consultations avec l’Émir du Qatar, Hamad bin Khalifa Al Thani, et le Ministre d’État aux Affaires étrangères, Dr. Khalid Bin Mohammad Al Attiyah. Du 5 au 9 octobre 2013, le Président Konaré et l’ancien Premier ministre Dileita Mohamed Dileita se sont rendus en Turquie, où ils ont rencontré le Président Abdullah Gül, le Premier ministre Recep Tayyip Erdo?an et le Ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu. Du 29 novembre au 2 décembre 2013, le Président Konaré s’est rendu à Paris pour des consultations avec le Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf. Le 27 janvier 2014, l’ancien Président Festus Mogae et l’ancien Premier ministre Dileita Mohamed ont eu des entretiens avec le Président Yoweri Museveni d’Ouganda, Président en exercice du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA).

Le Groupe comptait également se rendre au Koweït et en Arabie Saoudite pour des consultations avec les autorités compétentes de ces pays. L’Ambassade du Koweït à Addis Abéba a indiqué à la Commission que la date proposée n’était pas appropriée, recommandant que la visite ait lieu à une date ultérieure. Pour sa part, l’Ambassade d’Arabie Saoudite, tout en exprimant son appréciation des efforts de l’UA, a souligné que ce qui se passait en Egypte était une affaire intérieure.

Le 20 septembre 2013, le Groupe, à travers d’une note verbale de la Commission à l’Ambassade d’Égypte, à Addis Abéba, a demandé que, dans le cadre du suivi de ses précédentes visites en Egypte, l’ancien Premier ministre Dileita Mohamed Dileita puisse se rendre au Caire pour rencontrer le Grand Imam d’Al-Azhar et le Patriarche de l’Église orthodoxe copte, ainsi que le Président du Conseil national des Droits de l’Homme. Le 2 octobre 2013, les autorités égyptiennes ont informé la Commission qu’«il ne sera pas possible pour le Gouvernement de l’Égypte d’organiser les visites sollicitées», et ont proposé que « les personnalités précitées soient contactées par téléphone ».

Le 14 octobre 2013, le Groupe, à travers une verbale de la Commission, a exprimé le souhait, dans un esprit de transparence et de coopération, que son Président puisse se rendre au Caire, pour informer les autorités intérimaires égyptiennes des visites que le Groupe a entreprises aux Émirats Arabes Unis, au Tchad, au Qatar et en Turquie. La visite devait aussi être l’occasion pour le Président du Groupe d’être informé par les autorités égyptiennes de l’évolution de la situation dans leur pays et de celle de leurs efforts s’agissant de la transition en cours. Le 28 octobre 2013, l’Ambassade d’Egypte a envoyé une note verbale à la Commission dans laquelle, tout en réitérant l’appréciation de l’Egypte pour les efforts déployés par le Groupe, elle a invité celui-ci « à informer l’Ambassade d’Égypte à Addis Abéba de ses récentes activités et à solliciter, par correspondance aux parties prenantes égyptiennes concernées, toutes informations additionnelles qu’il jugerait nécessaires à la finalisation du rapport envisagé ».

Du 16 au 17 novembre 2013, le Groupe s’est réuni à Addis Abeba, pour examiner la situation en Égypte et convenir des prochaines étapes à envisager dans l’accomplissement de son mandat. Le Groupe a identifié les activités à entreprendre. Il s’est, en outre, entretenu avec la Présidente de la Commission, ainsi qu’avec le Commissaire à la Paix et à la Sécurité. Du 16 au 17 janvier 2014, le Groupe s’est de nouveau retrouvé à Addis Abéba pour procéder à une revue de la situation et du rapport qu’il entendait soumettre au CPS.

Il convient également de noter que, lors de ses séjours à Addis Abéba et de ses visites au Caire, le Groupe a eu des consultations avec des représentants de la communauté internationale. Ces consultations ont porté sur le mandat qui lui est confié et les efforts y relatifs.

VI. INTERACTION AVEC LES PARTIES PRENANTES ÉGYPTIENNES

Au cours de ses deux visites au Caire, le Groupe a eu des consultations avec les parties prenantes égyptiennes aux fins, premièrement, d’expliquer la décision du CPS du 5 juillet 2013 ; deuxièmement de donner des précisions sur son mandat ; et troisièmement de recueillir les vues de ses interlocuteurs sur les événements du 3 juillet et les circonstances qui ont conduit à cette situation, ainsi que sur les prises de position subséquentes de l’UA.

Tout au long de ses entretiens avec les parties prenantes égyptiennes, le Groupe a expliqué que la décision du CPS avait été prise conformément aux instruments pertinents de l’UA et ne devrait pas être perçue comme une mesure punitive. Il a également souligné que l’UA n’avait d’autre motivation que d’apporter son appui au processus de transition en Égypte, ayant à l’esprit l’importance que revêt la mobilisation du soutien de l’Afrique pour aider l’Égypte à surmonter ses défis et reprendre sa place au sein de l’UA le plus rapidement possible. Ces précisions étaient d’autant plus importantes que nombre d’organes de presse et de média en Égypte ont déformé la décision du CPS, la décrivant comme inamicale vis-à-vis de l’Égypte et sous-tendue par d’autres considérations.

En accord avec les décisions pertinentes du CPS, le Groupe a souligné la nécessité pour toutes les parties concernées de faire prévaloir l’esprit de dialogue et de tolérance mutuelle et de s’abstenir de tout acte de violence et de vengeance. Il a encouragé les acteurs politiques égyptiens à persévérer sur la voie de la réconciliation nationale. À cet égard, le Groupe a pris note de l’adoption par les autorités intérimaires égyptiennes d’une Feuille de route pour la transition.

Entre les deux visites, nombre de développements sont survenus. Le plus important a été l’opération lancée, le 14 août 2013, par les forces de sécurité pour disperser les rassemblements des partisans des Frères musulmans, qui avaient érigé des campements à Rabaa Adawiyah et à al-Nahda, au Caire, au cours des six semaines précédentes. Des centaines de personnes furent tuées et des milliers d’autres blessées lors de cette opération. Subséquemment, des centaines de membres et partisans des Frères musulmans ont été arrêtés. Plusieurs églises chrétiennes coptes ont été incendiées en représailles. Les autorités ont accusé les Frères musulmans d’être responsables de ces actes. Ces derniers ont nié toute implication. Le même jour, alors que se déroulaient des protestations contre les mesures prises pour les autorités intérimaires, le Vice-Président par intérim, Mohamed El Baradai, rendait sa démission. Les autorités intérimaires ont proclamé l’état ??d’urgence pour une durée d’un mois, avant de le proroger pour deux autres mois ; l’état d’urgence été …..le 12 novembre 2013.

Les vues des acteurs égyptiens avec lesquels le Groupe a eu des consultations peuvent être résumées comme suit:

(i) Interactions avec les représentants du Gouvernement égyptien

Le Groupe a recueilli les vues des autorités intérimaires égyptiennes sur la décision de suspendre la participation de l’Égypte aux activités de l’UA, la nature du changement de Gouvernement du 3 juillet 2013 et la Feuille de route:

(a) En ce qui concerne la suspension de l’Égypte et le changement intervenu le 3 juillet 2013, les représentants du Gouvernement ont réitéré leurs vues, telles que précédemment communiquées à la Commission, sur le rejet de la décision du CPS. Ils ont souligné que la Déclaration de Lomé ne peut et ne devrait pas s’appliquer au cas de l’Égypte. En effet, ce que l’Égypte a connu le 30 juin 2013 est une véritable révolution populaire qui a culminé avec le changement intervenu le 3 juillet 2013. Pour eux, qualifier ces évènements de coup d’État militaire est inexact et inacceptable. Ils ont indiqué que l’alinéa premier du préambule de la Constitution égyptienne illustre clairement le rôle de soutien des Forces armées à la Révolution du 25 janvier 2011, celui-là même que ces dernières ont, selon eux, joué dans la Révolution du 30 juin 2013. De leur point de vue, les réactions du CPS aux deux Révolutions ont été totalement différentes et contradictoires, mettant ainsi en doute la crédibilité et la fiabilité de son système d’évaluation, ainsi que les intentions politiques qui sous-tendent ses décisions. Ils ont souligné que l’implication des Forces armées découlait de leur obligation constitutionnelle de protéger la nation, et était conforme aux exigences populaires. Ils ont également indiqué que les Forces armées n’ont pas cherché à prendre le pouvoir à la suite des manifestations. Au contraire, le Président de la Cour constitutionnelle suprême d’Égypte a assumé la charge de Président par intérim, et a prêté serment devant l’Assemblée générale de la Cour suprême, en qualité de Président par intérim jusqu’à l’organisation d’élections présidentielles anticipées.

(b) Les autorités intérimaires ont, en outre, soutenu qu’au moment où les Égyptiens s’employaient à consolider les acquis démocratiques de la Révolution de 2011, leurs efforts ont été subvertis par un Gouvernement et un parti politique arrivés certes au pouvoir de façon démocratique, mais autoritaires. Elles ont affirmé que le Président Morsi avait pris une série de décisions qui, analysées à la lumière des critères stipulés dans la Déclaration de Lomé, apportent la preuve évidente que le changement intervenu en Égypte n’est en rien anticonstitutionnel.

(c) S’agissant de la transition, les autorités intérimaires se sont référées à la Feuille de route devant orienter ce processus. La Feuille de route s’articule autour des éléments suivants : la publication d’une Déclaration constitutionnelle ; la mise en place d’un Groupe de dix experts devant proposer des amendements à la Constitution de 2012 suspendue ; la finalisation des amendements à la Constitution ; la révision de la Constitution amendée par un Comité de cinquante membres représentant tous les segments de la société ; la tenue d’un referendum sur la Constitution amendée ; l’élection des membres de la Chambre des Représentants ; et la tenue d’une élection présidentielle. La durée de la transition proposée a été fixée entre 6 et 8 mois.

(d) Les autorités intérimaires ont clairement indiqué que, pour elles, la réconciliation nationale est un processus interne, dans lequel elles ne voient pas de rôle particulier pour le Groupe.

Au cours de leurs interactions avec le Groupe et dans leurs correspondances avec l’UA, y compris le Groupe, les autorités intérimaires ont déclaré que les Frères musulmans, malgré plusieurs appels et initiatives, ont refusé de se joindre au Gouvernement d’unité nationale et au processus devant conduire à la formulation d’un consensus national sur la voie à suivre. Elles ont également affirmé que les Frères musulmans avaient rejeté toute participation au Comité charge de la rédaction des amendements à la Constitution de 2012, ainsi que l’initiative d’Al-Azhar pour la réconciliation nationale. Les autorités ont en outre indiqué qu’il n’y avait pas de détenus politiques et que les membres des Frères musulmans qui sont détenus le sont pour des crimes liés à l’usage de, ou à l’incitation à la violence.

(ii) Interactions avec les Frères musulmans

Lors des deux interactions que le Groupe a eues avec les Frères musulmans, la première au campement de Rabaa et la seconde après la dispersion forcée de leur rassemblement, le 14 août 2013, leurs représentants :

(a) ont salué la décision du CPS, la qualifiant de décision de principe et nécessaire, et ont lancé un appel à la Commission pour que la suspension de l’Égypte reste en vigueur jusqu’au rétablissement de la démocratie dans le pays ;

(b) ont fait valoir que les évènements du 3 juillet 2013 constituaient un coup d’État et, comme tels, ont sapé la démocratie, dans la mesure où les militaires ont renversé un Président qui a été élu démocratiquement par une majorité du peuple égyptien. Ils se sont également plaints des arrestations arbitraires et des tueries dont leurs membres sont victimes, rejetant les accusations de recours à la violence portées contre eux ;

(c) ont rejeté la Feuille de route des autorités intérimaires et la création ultérieure du Comité des 50, et ont refusé de se joindre au Gouvernement. Afin de sortir de la crise actuelle, ils ont proposé que M. Morsi démissionne formellement et délègue ses pouvoirs à un Premier ministre de consensus qui organiserait des élections anticipées dans un délai de 60 jours. Ils ont informé le Groupe qu’ils avaient fait une proposition similaire avant le changement de Gouvernement intervenu le 3 juillet 2013, mais que l’armée l’avait rejetée;

(d) ont souligné que l’offre de portefeuilles ministériels faite à l’opposition par le Président Morsi au Front pour le salut national, qui regroupait l’opposition à son régime, avait été rejetée et que ses appels au dialogue et à la réconciliation n’avaient pas été pris au sérieux. Ils ont accusé les hommes d’affaires de l’ère Moubarak, propriétaires de medias audiovisuels et de journaux, d’avoir mené une campagne de diffamation continue et implacable contre le Président Morsi, et critiqué le pouvoir judiciaire, qui a dissous la Chambre basse du Parlement et le premier Comité de rédaction de la Constitution au sein de la Chambre des Représentants. Ils ont ajouté que l’Égypte avait été dirigée par l’Armée au cours des 60 dernières années, une période caractérisée, selon eux, par l’autoritarisme, le truquage des élections, une répartition très sélective des richesses et une corruption généralisée. Ils ont évoqué l’existence d’un « État profond » opposé à toute remise en cause de ses privilèges.

Comme indiqué plus haut, le Groupe, au cours de sa première visite, a également rencontré le Président Morsi dans son lieu de détention. La requête formulée à cet effet fut diligemment acceptée par les autorités égyptiennes. Lors de la réunion avec le Président Morsi, les membres du Groupe ont sollicité ses vues sur l’année qu’il a passée à la tête de l’État et les circonstances qui ont conduit à son renversement. Ils ont saisi cette occasion pour souligner la nécessité pour ses partisans de s’abstenir de tout acte de violence et de s’engager de manière constructive dans la recherche d’une solution à la crise, ayant notamment à l’esprit la tension qui prévalait alors au Caire en raison des rassemblements populaires massifs dans la capitale. Le Président Morsi a déclaré qu’il rejetait la violence, mais, a-t-il indiqué, n’a aucune possibilité de communiquer avec ses partisans et sympathisants. Des discussions avec le Président Morsi, il est ressorti qu’il espérait pouvoir s’entretenir de manière plus approfondie avec le Groupe, qui, pour sa part, se proposait de saisir cette occasion pour essayer de faciliter un consensus sur la voie à suivre. Mais il ne fut pas possible d’avoir une seconde visite. En fait, les autorités ont expliqué qu’il ne serait pas possible d’organiser des rencontres avec des personnes en jugement ou détenus sur la base de décisions du Bureau du Procureur général, ce qui était le cas du Président Morsi.

(iii) Interactions avec d’autres parties prenantes égyptiennes

Au cours de ses deux visites au Caire, le Groupe s’est entretenu avec les représentants de la Coalition du 30 juin, y compris Tamarood, le parti Al-Nour, le Mouvement de la Jeunesse du 6 Avril, le Parti de l’Égypte forte, le Parti socialiste d’Égypte et des militants des Droits de l’homme. Le Groupe a été informé de l’évolution de leur mouvement de protestation. S’appuyant sur les médias sociaux, ces mouvements ont défié le régime de Moubarak en janvier 2011, avant de soutenir la candidature de M. Morsi lors de l’élection présidentielle de 2012. Les représentants de ces mouvements ont néanmoins indiqué qu’après son élection, le Président Morsi avait ignoré leurs avis et conseils contre les mesures unilatérales et antidémocratiques prises par le nouveau régime. Les Frères musulmans sont devenus la seule force ayant une influence sur le Président. À partir de novembre – décembre 2012, ces mouvements ont commencé à faire de l’agitation contre le Président Morsi qu’ils accusaient de ne pas avoir honoré sa promesse de gouverner de manière équitable et en faveur de tous. En outre, la coalition a indiqué que la police a commis nombre d’actes illégaux et disproportionnés pour lesquels personne n’a été tenu responsable. Après le renversement du Président Morsi, le 3 juillet 2013, les différentes composantes de la coalition ont développé des points de vue moins homogènes. Leurs positions peuvent être résumées comme suit :

(a) Le parti Al-Nour : Le parti Al-Nour s’est allié aux Frères musulmans au moment où le Président Morsi était au pouvoir, même s’il est resté critique sur certaines politiques de son administration. D’après les représentants de ce parti, quelques jours avant le changement du 3 juillet 2013, les dirigeants d’Al-Nour ont rencontré le Président Morsi et l’ont exhorté à : (i) former un Gouvernement de coalition, (ii) nommer un Premier ministre en dehors des Frères musulmans, (iii) nommer un nouveau Procureur général, et (iv) initier la réconciliation avec le pouvoir judiciaire et l’armée. Le Président Morsi ayant rejeté leurs conseils, Al-Nour a fait sienne la préoccupation de l’armée qui, le 30 juin 2013, mettait en garde contre la menace d’une guerre civile. Al-Nour s’est joint à l’appel de l’armée pour une nouvelle dynamique et a rejoint le mouvement qui a aidé à élaborer la Feuille de route annoncée le 3 juillet 2013. Mais plus tard, le Parti a été gagné par un certain scepticisme face aux intentions des militaires et aux mesures qu’ils ont prises. Al-Nour a fait valoir que, même si le renversement du Président était justifié, il n’était pas nécessaire de suspendre la Constitution de 2012, ni de dissoudre le Conseil de la Shura. Le Parti a également plaidé pour la mise en place d’un Gouvernement de technocrates ayant une expérience avérée de la gestion publique. Peu de temps après, Al-Nour s’est retiré de la coalition du 30 juin 2013. Le parti a appuyé la décision du CPS de suspendre l’Égypte, et ont suggéré que le Groupe utilise cette suspension comme un moyen de pression pour le bon déroulement de la transition et pour amener les Frères musulmans à se joindre à la Feuille de route.

(b) Le Mouvement du 6 Avril : Le Mouvement du 6 Avril a été critique sur certains aspects de la politique des autorités intérimaires, tout en restant membre de la coalition, et s’est opposé à la répression contre les Frères musulmans. Il a condamné la politique des autorités intérimaires contre les médias indépendants, et a exhorté à l’arrêt de la campagne négative contre les Frères musulmans dont ces médias étaient les vecteurs. Le Mouvement n’avait pas de représentant au sein du Comité des 50, et a plaidé pour la nomination d’un Premier ministre de consensus, chef de l’Exécutif, jusqu’à la tenue d’élections nationales.

(c) Le Mouvement Tamarood : Le Mouvement Tamarood a exprimé son appui total à la Feuille de route et affirmé que toutes les mesures prises par les autorités intérimaires contre les Frères musulmans après l’évacuation des différents lieux de rassemblement au Caire étaient justifiés. Il a également exigé qu’avant de pouvoir participer au processus politique, les Frères musulmans renoncent formellement à la violence, s’excusent pour les crimes qu’ils ont commis, s’engagent à travailler dans le cadre de la Feuille de route et déclarent leurs sources de financement.

(d) Le Cheikh d’Al-Azhar : Le Cheikh d’Al-Azhar a informé le Groupe qu’il soutenait pleinement la Feuille de route. Il a indiqué qu’il avait déployé des efforts pour amener les Frères musulmans à se joindre au processus politique. Toutefois, ces efforts furent rejetés par les Frères musulmans, convaincus qu’ils étaient que le Cheikh d’Al-Azhar soutenait le changement du 3 juillet 2013.

(e) L’Eglise orthodoxe copte : De même, le Patriarche de l’Église orthodoxe copte, le Pope Tawadros II, a affirmé son soutien à la Feuille de route, qu’il considère comme un plan national pour le présent et le futur du pays et, comme tel, devrait être soutenue par tous. Il s’est dit sceptique quant à la volonté des Frères musulmans de se joindre au processus politique. Le Pope Tawadros estime que les Frères musulmans ne pourront être partie prenante à la Feuille de route aussi longtemps qu’ils continueront à utiliser la religion à des fins politiques et à recourir à la violence et au terrorisme pour créer des divisions dans le pays. Le Patriarche a souligné que l’antagonisme religieux dans le pays s’était accru avec le régime Président Morsi, accusant les Frères musulmans d’être derrière les incendies d’églises et institutions chrétiennes dans le pays.

(f) Le Conseil national égyptien des Droits de l’Homme : Les dirigeants du Conseil national égyptien des Droits de l’Homme ont accusé les Frères musulmans de recourir à la violence, d’appeler à une intervention extérieure et de recevoir leurs ordres et instructions de l’étranger. Pour ces raisons, ils estiment que les Frères musulmans ne peuvent participer au processus de transition.

(g) Les autres parties prenantes égyptiennes : Comme indiqué plus haut, le Groupe a eu des entretiens avec M. Amr Moussa, ancien Secrétaire général de la Ligue des Etats arabes et ancien Ministre des Affaires étrangères, qui a, par la suite, occupé la fonction de Président du Comité des 50 chargé de la rédaction de la Constitution, ainsi qu’avec nombre d’anciens hauts responsables membres du Conseil égyptien des Affaires étrangères. Ces personnalités se sont félicitées du changement intervenu en Égypte, ont exprimé leur soutien à la Feuille de route et souligné les obstacles à l’inclusion des Frères musulmans dans le processus politique, tant qu’ils n’auront pas publiquement et sans équivoque renoncé à la violence.

VII. CONSULTATIONS AVEC DES ACTEURS INTERNATIONAUX

Tel qu’indiqué plus haut, le Groupe a rencontré un certain nombre d’acteurs internationaux, aussi bien à l’intérieur qu’en dehors de l’Égypte. Au cours de ces entretiens, le Groupe a expliqué son mandat et la position de l’UA sur la situation en Égypte. Il a souligné que l’objectif de l’UA était d’aider l’Égypte à assurer un retour rapide à l’ordre constitutionnel, soulignant que l’UA n’avait pas appelé au retour au pouvoir du Président Morsi, mais plutôt à une transition inclusive devant culminer avec la tenue d’élections libres, régulière et transparentes.

Lors de la rencontre avec le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, celui-ci a pleinement approuvé la Feuille de route et expliqué la difficulté d’inclure les Frères musulmans dans le processus politique tant qu’ils ne renonceront pas à la violence. Il a soutenu que la plupart des Égyptiens perçoivent les Frères musulmans, non pas comme un parti politique, mais comme une organisation qui a recours à la violence pour promouvoir ses objectifs politiques. À son avis, le ressentiment populaire contre les Frères musulmans est tel qu’il sera très difficile de les inclure dans le processus politique. Lors de la seconde rencontre avec le Groupe, le Secrétaire général de la Ligue des États arabes a exprimé des réserves sur les visites alors envisagées par le Groupe dans certains pays pour des échanges de vues sur ses efforts, soulignant qu’une telle démarche contribuerait, selon lui, à internationaliser la crise en Égypte.

Le Groupe a rencontré les Ambassadeurs africains et les représentants des partenaires internationaux au Caire. Le Groupe s’est également rendu dans certains pays pour expliquer la position de l’UA et faire le point de ses efforts à ses interlocuteurs:

(a) certains des pays visités ont salué le renversement du Président Morsi, considérant les Frères musulmans comme une organisation terroriste, et, pour cette raison, ne voient aucun rôle politique pour eux en Égypte. Ils ont appelé à la levée de la suspension de la participation de l’Egypte aux activités de l’UA, comme un encouragement au processus de transition et une expression de soutien aux efforts des autorités intérimaires;

(b) d’autres ont exprimé des vues différentes, plaidant en faveur d’un processus politique inclusif, y compris les Frères musulmans. Dans le même temps, ils ont déclaré comprendre la position prise par l’UA, dans la mesure où elle est fondée sur des instruments contraignants pour tous ses États membres;

(c) tous les interlocuteurs du Groupe ont insisté sur l’importance d’aider l’Égypte, soulignant que la stabilité du pays est essentielle à la stabilité de la région dans son ensemble.

VIII. OBSERVATIONS

Le Groupe exprime sa gratitude aux autorités intérimaires égyptiennes pour avoir facilité ses deux visites dans leur pays. Le Groupe est résolu à poursuivre l’accomplissement de son mandat de façon objective, indépendante et dépassionnée, conscient qu’il est de l’importance de la mission qui lui a été confiée et de la complexité de la situation dont il est saisi.

Dans la conduite de ses activités, le Groupe a été motivé par les considérations suivantes:

(a) l’importance de l’Égypte pour l’Afrique et celle de l’Afrique pour l’Égypte. La stabilité et la prospérité de l’Egypte et celles du reste du continent sont étroitement liées. Par conséquent, l’UA a un intérêt tout particulier à la stabilisation rapide de la situation en Égypte et au règlement des difficultés auxquelles elle est confrontée;

(b) la solidarité de l’UA avec le peuple égyptien, dont l’aspiration à la démocratie, à l’Etat de droit, à la bonne gouvernance et au respect des droits de l’homme est conforme aux instruments pertinents de l’UA;

(c) la détermination de l’UA, conformément à ses devoirs et responsabilités envers tous ses États membres, à ne ménager aucun effort pour promouvoir et favoriser une solution africaine dans le cadre des institutions africaines compétentes ; et

(d) la nécessité pour l’UA d’agir de manière conforme à ses instruments pertinents.

Sur ce dernier point, le Groupe constate que la position des autorités intérimaires sur le changement de Gouvernement intervenu le 3 juillet 2013, tel qu’indiqué plus haut, n’est pas conforme à l’article 153 de la Constitution de 2012, qui énonce clairement les dispositions à prendre en cas d’intérim. En effet, la décision du CPS du 5 juillet 2013 est fondée sur cette disposition de la Constitution qui prévoit que le Premier ministre, le Président de la Chambre des Représentants ou le Président du Conseil de la Shura assure, selon le cas, l’intérim lorsque le Président est dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. À cet égard, et compte tenu du fait que la Constitution de 2012 ne prévoit pas l’exercice par le chef de la Cour suprême constitutionnelle de l’Égypte de la charge de Président par intérim, le Groupe réaffirme le bien-fondé de la décision du CPS du 5 juillet 2013.

Le Groupe note que, depuis sa dernière visite en Égypte, la situation dans le pays a connu d’importants développements. Outre l’évacuation des partisans des Frères musulmans qui occupaient certains endroits au Caire pour protester contre le renversement du Président Morsi, entraînant la mort de centaines manifestants, nombre d’attaques terroristes ont également été enregistrées, notamment au Caire et dans la péninsule du Sinaï. Il convient, entre autres, de mentionner l’attaque perpétrée, le 24 décembre 2013, contre un poste de police dans la ville de Mansoura, entrainant la perte de nombreuses vies humaines et blessant plusieurs autres personnes. Ces attaques terroristes se sont intensifiées au cours des dernières semaines.

Le 25 décembre 2013, les autorités intérimaires égyptiennes, qui accusent les Frères musulmans d’être derrière ces attaques, ont déclaré ce dernier groupe terroriste. Auparavant, les autorités avaient pris une décision interdisant un certain nombre d’organisations caritatives liées aux Frères musulmans, alors que le Président Morsi et plusieurs dirigeants et membres de son parti sont détenus, certains d’entre eux faisant l’objet de procédures judiciaires. Pour leur part, les Frères musulmans, qui ont nié toute implication dans des activités terroristes, accusent le Gouvernement de mener une vaste répression contre leurs membres et d’inciter à la haine contre eux par le biais d’une campagne de propagande dans les médias. Ils ont, au cours des derniers mois, continué à organiser des manifestations contre les autorités de transition. Plusieurs militants non affiliés aux Frères musulmans se sont également opposés aux forces de sécurité et certains ont été condamnés à des peines de prison. Cette situation a conduit à une plus grande polarisation de la société égyptienne, ce qui ne facilite pas le dialogue politique.

C’est dans ce contexte que le processus de mise en œuvre de la Feuille de route se poursuit. À cet égard, une étape importante vient d’être franchie avec la tenue d’un référendum constitutionnel, les 14 et 15 janvier 2013. Le Groupe voudrait rappeler que les autorités égyptiennes avaient indiqué que les membres du Groupes pourraient faire partie de l’équipe d’observation que la Commission de l’UA était invitée à déployer en Égypte lors du referendum. Le Groupe a souligné que l’observation du referendum et des élections subséquentes ne figurait pas dans son mandat. La Constitution a été adoptée par 98,1% des voix, avec un taux de participation de 38,5%. Le 26 janvier 2014, le Président par intérim, Adly Mansour, a annoncé que l’élection présidentielle se tiendra avant les élections législtatives.

Le Groupe voudrait souligner la pertinence continue des décisions antérieures du CPS sur la situation en Égypte. À cet égard, le Groupe rappelle la nécessité pour les parties prenantes égyptiennes de faire preuve d’esprit de tolérance mutuelle, de dialogue et de réconciliation nationale et de s’abstenir de tout acte de violence et de vengeance. Le rejet total du terrorisme, qu’aucune circonstance ne saurait justifier, est tout aussi important. Compte tenu de la contestation par certaines des parties prenantes des conditions dans lesquelles la Constitution a été élaborée, il est essentiel que les autorités intérimaires trouvent alors un mécanisme qui permette la participation la plus large possible aux prochaines élections présidentielle et législatives.

Le Groupe estime important que le CPS reste activement saisi de la question, en vue de lui permettre d’évaluer les progrès accomplis sur la voie de la restauration totale de l’ordre constitutionnel et de prendre les décisions appropriées, sur la base des instruments pertinents de l’UA. Le Groupe, pour sa part, réaffirme son engagement à poursuivre l’accomplissement de son mandat, ainsi que sa disponibilité à renforcer son interaction avec les autorités et les autres parties prenantes égyptiennes. Il forme le vœu, qu’avec la tenue des prochaines élections nationales, le processus de transition en Egypte sera parachevé.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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