Madagascar / Prostitution et tourisme sexuel impliquant des enfants : au vu et au su de tous, en toute impunité

GENEVE, Suisse, 26 juillet 2013/African Press Organization (APO)/ — La Rapporteuse Spéciale des Nations Unies Najat Maalla M’jid a encouragé ce matin les autorités malagasys à redoubler d’efforts en vue de lutter efficacement contre le fléau de l’exploitation sexuelle des enfants, dûment protéger tous les enfants victimes de vente et d’exploitation sexuelle et les enfants à risque de l’être et sanctionner lourdement les coupables. Elle a par ailleurs exprimé sa grande préoccupation quant à la banalisation de l’exploitation sexuelle des enfants et à l’impunité dont jouissent les auteurs de ces crimes.

« Le fléau de l’exploitation sexuelle des enfants dans la prostitution et le tourisme sexuel est omniprésent et trop souvent justifié par la pauvreté. Sa croissance exponentielle, notamment depuis 2009, soulignée par tous les acteurs rencontrés, est alarmante. Son ampleur réelle reste difficile à déterminer, du fait, entre autres, de la résistance au signalement et la crainte de représailles. Par ailleurs, les faibles cas signalés sont très rarement suivis de sanctions lourdes, telles que stipulées dans la législation malagasy », a souligné Mme Maalla M’jid à l’issue de sa visite à Madagascar.

La Rapporteuse Spéciale a noté la pauvreté alarmante affectant 92% de la population, résultat de crises politiques successives. Cette grande précarité socio-économique affectant les familles et les communautés a largement accru la déscolarisation et la vulnérabilité des enfants à toutes les formes d’exploitation économique et sexuelle. Elle a également relevé avec inquiétude la stratégie de survie adoptée par un grand nombre de parents qui poussent leurs enfants à se prostituer.

Pendant sa mission à Madagascar du 15 au 26 juillet 2013, la Rapporteuse Spéciale a rencontré de nombreux représentants de l’Etat, des autorités locales, du système des Nations Unies, de la communauté diplomatique, des associations ainsi que du secteur privé. Elle s’est entretenue avec des enfants victimes et s’est rendue sur les lieux de prostitution et de tourisme sexuel, à Antananarivo, Tuléar, Nosy Be et Toamasina.

Si Madagascar dispose d’un cadre légal relativement complet, la mise en œuvre de ces lois souffre d’un manque d’effectivité du fait, entre autres, de la corruption, de l’impunité et des difficultés d’accès des enfants à des mécanismes de recours garantissant leur protection et leur sécurité. Les arrangements à l’amiable qui ont souvent lieu au niveau communautaire se font au détriment de l’intérêt de l’enfant, dont la voix reste très peu prise en compte.

Par ailleurs de nombreux efforts ont été entrepris: le Comité National de Protection de l’Enfance, les Réseaux de Protection, les centres d’écoute et de conseil juridique, la ligne verte et les campagnes de sensibilisation visant à lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants. La Rapporteuse se félicite également des initiatives portées par les jeunes visant à prévenir et combattre ces crimes.

Malgré toutes ces initiatives, la prise en charge des enfants reste très incomplète et souffre d’un manque considérable de ressources. Les budgets alloués aux secteurs sociaux ont été drastiquement réduits et notamment celui du Ministère de la Population et des Affaires Sociales qui, tout en étant la pierre angulaire de la protection de l’enfance et de la protection sociale, ne dispose que de 0,68% du budget total de l’Etat.

La Rapporteuse Spéciale a souligné la gravité de la situation et la nécessité d’agir de toute urgence afin d’assurer un cadre protecteur intégré de l’enfance. L’éradication de la vente et l’exploitation sexuelle des enfants à Madagascar sera un travail de longue haleine, qui nécessitera d’assurer concomitamment le renforcement des capacités des institutions et des services destinés à l’enfance, la lutte contre l’impunité, une coordination intersectorielle opérationnelle, la mise en place de mécanismes de redevabilité, l’établissement d’alternatives socio-économiques durables et la promotion de normes sociales protectrices. Bien entendu ces mesures restent fortement tributaires d’un contexte politique stable respectueux des droits de l’homme.

Il est inacceptable que tant de vies d’enfants malagasys soient sacrifiées sous le prétexte de la crise politique et économique actuelle. La Rapporteuse a également insisté sur la nécessité de développer un tourisme responsable, éthique et protecteur en rappelant aussi la responsabilité des pays d’origine des touristes sexuels. Elle a encouragé la communauté internationale à appuyer la mise en place d’une protection intégrée de l’enfance et de plans de développement humain au niveau local, afin de combattre efficacement et durablement toute forme de violence, d’abus et d’exploitation des enfants.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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