Mastercard : 16,5 milliards $ pour propulser l’Afrique par l’IA

Une transaction réussie. Un crédit accessible. Une création d’entreprise locale. Voilà trois exemples concrets de ce que promet l’intelligence artificielle quand elle s’allie à la finance et à la formation. Mastercard en fait le pari. Et il n’est pas mince : selon son livre blanc Exploiter le pouvoir transformateur de l’IA en Afrique (Nairobi, août 2025), l’IA pourrait injecter jusqu’à 16,5 milliards de dollars dans l’économie africaine d’ici 2030 (Source : Mastercard, Statista).

Ce n’est pas juste un chiffre. C’est l’idée d’un futur où les données, les infrastructures et les talents africains deviennent le moteur d’une croissance inclusive. Nous allons décoder ensemble les ambitions de Mastercard, les initiatives concrètes du terrain et les conditions qui peuvent faire de cette vision une réalité durable.

Une promesse de croissance et d’inclusion

Les perspectives sont claires : près de 230 millions d’emplois liés au numérique devraient voir le jour d’ici 2030 en Afrique subsaharienne. Un réservoir de compétences, mais aussi un défi immense en matière de formation et de connectivité.

Mark Elliott, président de la division Afrique de Mastercard, résume bien cette ambition : investir collectivement dans les données, les infrastructures et la formation pour bâtir une IA « responsable et adaptée aux réalités locales ». Greg Ulrich, directeur mondial de l’IA et des Données, ajoute que la confiance reste la clé de toute IA éthique. Sans confiance, pas d’adoption. Sans adoption, pas d’impact.

Différents pays, une même énergie

Chaque pays avance à son rythme. Chaque écosystème pose sa pierre à l’édifice. Et c’est dans cette diversité que se construit la puissance future de l’IA africaine.

Afrique du Sud : un laboratoire de talents

Avec 610 millions de dollars investis en 2023, le pays vise 3,7 milliards d’ici 2030. L’Institut d’intelligence artificielle d’Afrique du Sud soutient la formation de 5 000 professionnels et la création de 300 start-ups. On y trouve déjà des applications concrètes : détection de fraude bancaire, prévisions agricoles, ou encore diagnostics médicaux assistés par IA. L’objectif est clair : développer un modèle qui puisse être dupliqué ailleurs sur le continent.

Kenya : la « Silicon Savannah » accélère

À Nairobi, l’expression n’a jamais été aussi juste. Le Kenya devient le carrefour d’innovation le plus effervescent d’Afrique de l’Est. Sa stratégie Kenya AI Strategy 2025‑2030 vise à industrialiser la recherche et les solutions locales. Des fintechs comme Tala ou UlizaLlama montrent l’exemple : l’une aide à construire un historique de crédit pour les travailleurs informels, l’autre utilise l’IA pour répondre en temps réel aux questions de santé maternelle. Derrière ces projets, une même idée : l’IA au service du quotidien.

Nigeria : l’audace et la data

Deuxième écosystème IA du continent, le Nigeria a attiré 218 millions de dollars de capital-risque en 2023. Ses start-ups misent sur l’IA pour personnaliser l’apprentissage, renforcer la microfinance ou encore rendre le budget public plus transparent. Le pays pourrait créer un marché de 1,4 milliard de dollars dès 2025. On y sent une énergie entrepreneuriale rare, tirée par une jeunesse connectée et créative. Les défis persistent : cybersécurité fragile, régulation morcelée, mais le cap est là : bâtir une économie numérique autonome.

Maroc : un hub structuré du Nord

Au nord du continent, le Maroc positionne sa stratégie Maroc Digital 2030 comme pilier de modernisation. Objectif : 1,1 milliard d’investissements et 240 000 emplois numériques. Le pays s’appuie sur ses universités (comme Mohammed VI Polytechnique) et des événements tels que la conférence MoroccoAI. Mais il doit encore surmonter la fragmentation des données et l’exclusion linguistique, deux obstacles majeurs à l’adoption de l’IA locale.

Les fondations d’une IA responsable

L’initiative de Mastercard n’est pas qu’économique ; elle est structurelle. L’entreprise promeut une approche collective fondée sur trois leviers.

  • La donnée : sans jeu de données fiables et inclusifs, impossible d’entraîner des modèles locaux pertinents. Cela suppose des infrastructures partagées et des règles transparentes de gouvernance.
  • La formation : il faut des ingénieurs, certes, mais aussi des experts métiers capables de comprendre et d’utiliser l’IA dans la banque, la santé ou l’agriculture.
  • La réglementation : les cadres doivent évoluer pour soutenir l’innovation sans fragiliser la protection des citoyens. C’est ce que Mastercard appelle « l’équilibre de la confiance ».

Sur le terrain, la collaboration entre gouvernements, fintechs et institutions publiques devient donc essentielle. Les partenariats avec l’UNESCO ou le Centre africain pour la transformation économique visent justement à bâtir des politiques inclusives. L’enjeu : faire de l’IA un levier de souveraineté numérique plutôt qu’un simple outil technologique importé.

Les opportunités concrètes pour le secteur bancaire

Du point de vue d’un acteur bancaire ou fintech, ces initiatives ouvrent des perspectives tangibles :

  • Inclusion financière : l’IA peut analyser les transactions pour créer des profils de crédit même sans historique bancaire formel ; un atout majeur pour les micro-entrepreneurs.
  • Lutte contre la fraude : des modèles prédictifs permettent de repérer les anomalies en temps réel et d’agir avant que le dégât ne soit fait.
  • Conseil personnalisé : grâce à la data, chaque client peut recevoir des recommandations adaptées à son comportement financier, à la manière d’un coach digital.

Pour les banques locales, la clé sera d’intégrer ces outils sans renoncer à leur ADN de proximité. L’IA ne remplace pas le relationnel : elle l’enrichit.

Défis à lever avant 2030

Toute transformation de cette ampleur comporte des risques : infrastructures incomplètes, régulations fragmentées, pénurie de compétences spécialisées… Mais ces défis dessinent aussi une feuille de route concrète.

  • Investir massivement dans la connectivité et le cloud local ;
  • Développer des formations de terrain, pas seulement académiques ;
  • Créer des politiques communes entre pays pour fluidifier les données transfrontalières ;
  • Encourager les incubateurs à inclure des projets à impact social ;
  • Mesurer les retombées sociales et environnementales de chaque initiative IA.

Ces priorités, si elles sont coordonnées, peuvent transformer la promesse économique en résultats mesurables : hausse du PIB numérique, croissance des services financiers, réduction du chômage des jeunes diplômés.

Pourquoi cela nous concerne, acteurs du secteur bancaire

Parce que l’Afrique change vite. Parce que les services financiers deviennent la colonne vertébrale de cette transformation. Et parce que nous avons un rôle à jouer : accompagner ces écosystèmes, investir dans la formation, et encourager une IA de confiance.

Dans les années à venir, la ligne entre banque et technologie va continuer de s’effacer. Les institutions qui sauront co-créer des solutions adaptées avec les communautés locales auront une longueur d’avance. L’IA n’est pas une finalité ; c’est un moyen d’élargir l’accès, d’accélérer la transparence et de renforcer la résilience économique.

Un modèle collaboratif se dessine déjà. À chaque acteur de s’en saisir. Mastercard ouvre une voie ; à nous, banquiers, fintechs et institutions de la suivre avec discernement, pragmatisme et responsabilité.

Un chiffre pour finir : 16,5 milliards de dollars. Ce n’est pas une prévision en l’air. C’est un appel à l’action. Et surtout, une invitation à repenser la croissance africaine par la technologie.

Source : Mastercard, livre blanc « Exploiter le pouvoir transformateur de l’IA en Afrique » (2025) ; Statista ; entretiens UNESCO et Centre africain pour la transformation économique.

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