Le procès du trio Ben Ali, Nesrine et Sakher El Materi, qui a été reporté le 21 juillet dernier, a été tenu le jeudi 28 juillet dans la salle n°10 devant la chambre criminelle du tribunal de Première instance de Tunis, en présence des avocats des accusés et une foule de journalistes de la presse locale et étrangère.
Les deux affaires, n° 23174 et 23175, concernent l’exploitation d’un fonctionnaire public de sa qualité pour percevoir ou recevoir un intérêt quelconque pour lui ou pour un tiers, causant préjudice à l’administration et contrevenant aux règlements régissant ces opérations en vue de réaliser un avantage et causer un préjudice.
Le juge, Adel Jridi, a démarré l’audience vers 13h00 en lisant l’actes de l’accusation de la première affaire, relative à la société “Les Hirondelles” mentionnant que l’accusation s’est basée sur le rapport de la commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation.
Il a indiqué que les éléments constitutifs du crime existent et sont appuyées par deux témoignages dont l’un est celui du président de la municipalité du Kram et l’autre du directeur général de la société de promotion du Lac-Nord de Tunis (SPLT), dont l’État possède la moitié du capital.
Il a, en outre, souligné que Zine El Abidine Ben Ali, principal accusé, a permis à sa fille d’acquérir une parcelle de terrain dans la zone du Lac, pour un prix insignifiant qui n’est pas conforme à la véritable valeur du terrain.
Le deuxième accusé, Sakher El Materi, avait vendu les lots pour un prix très élevé, à travers la Société immobilière “Les Hirondelles” dont il possède 60% du capital, alors que son épouse, Nesrine Ben Ali, en détient les 40% restants.
Me Hatem Zguira, commis d’offoce par la section de l’Ordre des avocats de Tunis, a expliqué que la partie ayant émis ce rapport n’est pas habilitée légalement, pour accomplir de tel acte, demandant ainsi l’annulation des procédures de poursuite pour absence d’éléments juridiques. Par ailleurs, il a fait remarquer que le témoignage du directeur général de la SPLT, Tahar Babaï, ne peut être pris en compte, dès lors qu’il était responsable de la société immobilière.
Plaidant en faveur de Sakher El Materi et Nesrine Ben Ali, Me Hosni Béji a expliqué que le témoignage de Tahar Babaï est dénué de force probante, dès lors que cette personne a adressé une lettre à Zine el Abidine Ben Ali attestant de sa complicité dans la cession d’un lot de terrain, précisant que l’article 32 du code pénal ne s’applique pas sur le cas d’espèce, dans la mesure où la partie défenderesse n’a pas commis un agissement, demandant, à cet effet, un non-lieu à statuer.
Quant au représentant du ministère public, il a souligné que contrairement aux motifs évoqués par Me Zguira sur l’origine du rapport précité, la commission d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation n’est pas habilitée à mettre en mouvement l’action publique, précisant que son rôle consiste à établir un constat, à rédiger des rapports dans ce sens et à les adresser au procureur de la République, ce qui ne constitue pas, a-t-il dit, une violation des dispositions de l’article 30 du code de Procédure pénale.
Par ailleurs, Me Amel Miladi, avocate du président déchu a précisé que la partie défenderesse bénéficie, en vertu de l’article 41 de la Constitution tunisienne, de l’immunité juridictionnelle, ajoutant que le décret signé par le président déchu et qui a été évoqué dans les enquêtes destinées à requalifier le bien immobilier d’une zone verte en une zone urbaine, s’inscrit dans le cadre de l’exercice de cette immunité, appelant la chambre compétente à décliner sa compétence en l’affaire.
Pour sa part, Me Hosni Béji, avocat de l’accusé Sakher El Materi a appelé le tribunal à prononcer un jugement demandant l’audition des deux anciens ministres de la Jeunesse et des sports respectivement Abdallah Kaabi et Samir Laabidi, dans la mesure où ils ont fourni les fonds nécessaires.
Répondant au motif tiré de l’immunité juridictionnelle du président déchu, le représentant du ministère public a indiqué qu’il s’agit là d’un argument dépourvu de tout fondement juridique dès lors qu’il repose sur des dispositions constitutionnelles abrogées.