63 Mds USD vers Dubaï : la bataille mondiale des fortunes

Un avion privé qui décolle de Londres vers Dubaï. Voilà l’image qui résume la nouvelle géographie des fortunes mondiales. En 2025, selon Henley & Partners, plusieurs centaines de milliards de dollars changeront de pays sous l’effet d’un nouveau jeu à trois variables : fiscalité, stabilité et opportunités économiques. Les millionnaires, plus mobiles que jamais, redessinent la carte mondiale de la richesse. (Source : Henley & Partners)

L’envol des capitaux : où vont les fortunes ?

Le constat est brutal : le Royaume‑Uni perdrait près de 91,8 milliards USD de capitaux détenus par des millionnaires. C’est presque le double de la Chine (55,9 milliards). La raison tient moins à l’économie réelle qu’au climat fiscal. Londres a revu sa fiscalité sur les plus‑values et les successions. Le signal envoyé est clair : « les grandes fortunes paieront davantage ». Résultat : elles partent. Pourtant, certaines analyses notent que les départs effectifs sont moins massifs qu’annoncé. Autrement dit, la peur fiscale agit parfois plus fort que le fait.

En Chine, les causes diffèrent. Le durcissement réglementaire, la volatilité macroéconomique et les restrictions sur les investissements internationaux poussent les entrepreneurs à déplacer leurs avoirs. L’Inde, elle, voit 26,2 milliards USD de richesse quitter son territoire, conséquence d’un système fiscal jugé trop contraignant et d’une quête de diversification internationale du patrimoine.

Les pays suivants ferment la marche des sortants : Corée du Sud (‑15,2 milliards), Russie (‑14,7 milliards), Brésil (‑8,4 milliards), France (‑4,4 milliards), Espagne (‑3,1 milliards), Indonésie (‑3 milliards) et Liban ainsi que Viêt Nam (‑2,8 milliards chacun). Un fil rouge relie ces nations : fiscalité élevée, incertitude politique ou instabilité économique.

Les gagnants du grand déplacement

À l’autre bout du tableau, les pôles d’attraction se multiplient. En tête, les Émirats arabes unis. Le pays capterait 63 milliards USD de richesse nette en 2025, en progression de 90 % sur dix ans. On parle de 9 800 nouveaux millionnaires attendus sur une seule année. Zéro impôt sur le revenu, zéro impôt foncier, zéro taxe sur les plus‑values et un cadre d’affaires ultralibéral : l’équation fiscale séduit.

Les États‑Unis suivent avec 43,7 milliards USD d’entrées. Un attrait qui repose sur trois piliers : la sécurité institutionnelle, la profondeur des marchés financiers et la dynamique technologique. L’Amérique reste le refuge de ceux qui veulent conjuguer rendement et innovation.

Derrière, viennent des destinations parfois inattendues. Italie : +20,7 milliards. Arabie saoudite : +18,4 milliards. Suisse : +16,8 milliards. Monaco : +11 milliards. Singapour : +8,9 milliards. Portugal : +8,1 milliards. Grèce : +7,7 milliards. Canada : +5,7 milliards. Australie : +5,6 milliards. Chacun capitalise sur un avantage distinct : fiscalité allégée, stabilité politique ou qualité de vie.

Ce que ces flux disent du monde économique

Quand la richesse se déplace, elle parle. Les chiffres traduisent une double tendance.

  • La montée en puissance des juridictions à faible fiscalité : le Golfe, l’Europe du Sud et quelques micro‑États européens captent les flux grâce à des régimes simplifiés, des programmes de résidence pour investisseurs et une fiscalité transparente.
  • La fragilité des économies matures : les pays de l’OCDE, en quête de recettes supplémentaires, durcissent leur fiscalité. Les hauts revenus y voient une insécurité réglementaire croissante et déplacent leurs capitaux.

Cette recomposition n’est pas seulement financière. Elle modifie aussi les territoires. Là où les capitaux affluent, naissent de nouvelles opportunités : développement de centres financiers, croissance du marché immobilier haut de gamme, essor de services patrimoniaux. Là où ils partent, se creuse parfois un déficit d’investissement privé et une perte d’attractivité.

Les conséquences pour les politiques économiques

Pour un responsable public, ces flux sont un thermomètre. Une fiscalité perçue comme injuste ou instable fait fuir les investisseurs. À l’inverse, une politique claire et prévisible attire. Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner toute ambition redistributive. Cela signifie qu’il faut combiner équité et compétitivité.

Exemple concret : le Portugal a su transformer un système fiscal avant tout incitatif (le statut de résident non habituel) en outil d’attraction des talents et des capitaux, tout en maintenant une stabilité budgétaire reconnue par les agences de notation. À l’inverse, le Royaume‑Uni, qui longtemps a attiré grâce à son statut de non‑domicilié, a vu l’érosion de cet avantage produire un effet domino : départ de fortunes, puis pression sur le marché de l’immobilier de luxe, puis baisse des dépenses liées.

Le dilemme des États : fiscalité ou fuite des capitaux ?

Face à ce mouvement, deux logiques s’affrontent :

  • La logique de rendement : taxer davantage les plus‑fortunes pour financer les dépenses publiques, surtout dans un contexte post‑crise où les dettes restent élevées.
  • La logique d’attractivité : alléger la pression fiscale pour retenir la base imposable la plus mobile, celle des revenus du capital.

Aucun modèle n’existe sans compromis. La Suisse et Singapour ont choisi la stabilité. Les États‑Unis misent sur la productivité et l’innovation. Les Émirats privilégient la neutralité fiscale. Chaque stratégie répond à une culture et à une position géographique spécifiques.

Ce que cela change pour les investisseurs et les décideurs

Pour les investisseurs, le message est clair : la géographie du patrimoine devient stratégique. La diversification ne se limite plus aux classes d’actifs, elle inclut désormais la localisation fiscale et réglementaire.

Pour les gouvernements, la responsabilité est double :

  • Stabiliser le cadre fiscal pour éviter les effets d’annonce déstabilisants.
  • Renforcer la transparence pour conserver la confiance.
  • Entretenir les conditions d’investissement productif afin que la richesse reste un moteur de développement et non un flux d’évasion.

Un nouveau centre de gravité économique

Les données de 2025 esquissent une carte à deux vitesses. Les capitales mondiales de la richesse se déplacent du Nord vers le Sud et de l’Ouest vers l’Est. Ce n’est pas qu’une bascule de revenus ; c’est une recomposition de la confiance économique. Un fiscaliste de Genève résume la situation avec pragmatisme : « Les capitaux ne fuient pas les impôts, ils fuient l’incertitude. »

En d’autres termes, la guerre de la fiscalité mondiale n’oppose pas les taux, mais les crédibilités. Ceux qui sauront offrir un cadre stable et cohérent garderont leurs talents et leur richesse. Les autres regarderont leurs avions s’envoler vers de nouveaux horizons.

Source principale : Henley & Partners (2025)

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