Témoignage d’un tunisien à Tripoli, abus, dépassement et bain de sang

Mr Omar Bettaieb. est un tunisien qui résidait à Tripoli, la capitale libyenne, depuis 2009, c’est un ingénieur en génie civil qui est allé en Libye Omar B.pour gagner son pain, malheureusement les événements survenus récemment l’ont poussé à quitter la Libye pour assurer sa sécurité. Nous avons pu entretenir Mr Omar pour un témoignage sur quelques dépassements qui ont eu lieu à l’aéroport de Tripoli par certains employés de la compagnie Tunisair, cette dernière a envoyé des enquêteurs pour vérifier et remédier à ces abus. Ci-dessous le témoignage de Mr Omar Bettaieb.

Mr Omar, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Alors pour faire court je m’appelle Bettaieb Omar je suis ingénieur civil résident à Tripoli depuis le 15/03/2009.

Une estimation du nombre des tunisiens qui se sont trouvés coincés dans l’aéroport de Tripoli ?

Dans la salle d’attente il y avait, la nuit entre le 21 et 22/02 février 2011, environ 970 tunisiens, nous avons dressé une liste sur place. Toutefois, il y avait des milliers de personnes de toutes les nationalités qui ont été coincées en dehors de l’aéroport dans le froid et elles y ont passé toute la nuit parce que la police libyenne a fermé les portes de l’aéroport.

Qu’est ce qui s’est passé réellement à Tripoli lors de votre retour et comment avez-vous pu rejoindre la Tunisie ?

Le lundi 21 février 2011 nous avons été conduit à l’aéroport de Tripoli vers 10h du matin pour le premier groupe et vers 14h pour le dernier groupe, nous étions 75 personnes travaillant dans la même entreprise que je préfère ne pas nommer.

Notre PDG était avec nous ainsi que le Directeur Technique, ils ont fait tout leur possible pour nous avoir un vol et un avion spécialement pour nous, dont ils ont eu confirmation, ils ont même participé à l’obtention des autorisations nécessaires de la part des autorités libyennes. Nous étions soulagés, nous avions confirmation du vol du 21 février à 20h avec 145 places réservées pour notre équipe entière.

Aéroport International de Tripoli - Libye
Aéroport International de Tripoli - Libye

Donc, le PDG ainsi qu’une petite équipe sont partis sur les deux vols qui précédaient le notre (eux ils avaient déjà leurs billets depuis un moment). De notre coté, tout semblait être bien parti, il ne nous reste que de prendre nos billets et de les payer au guichet. Nous avons essayé de rester organisés, nous avons regroupé nos passeports et les avons remis à « SI EL MOULDI », le chef d’escale…

Dans l’attente, nous avons été étonnés, nous avons vu nos billets partir aux plus offrants sans que nous pussions rien faire ( le billet coute 160 LYD les prix pratiqués allaient de 180 à 210), ajoutons à cela que nous étions insultés par les gens qui étaient sur place, des personnes qui n’ont pas eu de billets car « SI EL MOULDI » leur a bien expliqué qu’il n’y avait pas de billet parce que notre compagnie a pris tous les vols et toutes les places, pour notre équipe selon lui.

Billets perdus et insultés par les personnes qui attendent désespérément, à 20h30, nous avions perdu l’espoir de partir ce soir là, notre vol était prévu pour ce soir là à 20h.

Ce soir là, nous maquions de tout, eau, nourriture, couverture et tabac, aucune aide ne nous a été fournie, nous étions livrés à nous même.

Le 22 février 2011, toujours sur place, les gens ont fais la queue devant les bureaux de Tunisair depuis 4h30 du matin afin d’être les premiers servis, nous aussi avec nos 71 passeport. Quatre personnes ont perdu tout espoir et ont préféré prendre le risque de repartir vers le point frontalier « RAS EJDIR ».

Les libyens (agents de Tunisair) sont venus vers 6h30 alors que le fameux « MOULDI » n’est arrivé que vers 7h30, il n’a ouvert le bureau que vers 8h du matin sachant qu’entre temps c’est lui qui a donné l’OK au forces de l’ordre pour faire circuler les gens qui étaient dans la queue.

Déjà il faut savoir les billets donnés au gens étaient le 1/8 d’une feuille blanche A4 avec une signature et un tampon dessus…

En ce qui nous concernait, « SI EL MOULDI » nous a donné un billet collectif pour 71 personnes sachant qu’entre temps au moins 500 personnes tunisiennes ont rejoint l’aéroport ce matin là.

Pour notre embarquement , l’un de nos collègues (Chokri Godhben) a eu tout le courage de franchir le barrage des forces de police à ses risques et périls, avec le billet collectif ainsi qu’une liste des noms et nous a sorti les « boarding pass » (les cartes d’embarquement), sans lui, nous serions encore là bas.

Vers 16h, nous avons franchit le contrôle de la police de frontière libyenne et nous nous sommes retrouvés dans la salle d’attente. A ce moment précis, nous étions 240 personnes prêtes à embarquer sur le vol 3501, et 500 autres personnes réparties entre le vol « 1622 » (j’en suis pas trop sur à vérifier) et le vol quotidien dans la salle, environ 1500 personnes dans le hall de l’aéroport.

Notre vol est arrivé a Tunis le 22 février 2011 à 19h, heure locale.

Quelle aventure ! Heureusement vous êtes arrivés sains et saufs ! La situation était comment à Tripoli à votre départ ?

Pour tout vous dire, quand j’étais à Tripoli entre le samedi 19 et le 22 février nous avons pu entendre des tirs de feu aussi rares que timides dans la banlieue c’est à dire à Zahra, Janzour, etc…, un rayon de 35 km du centre de tripoli.

Ce n’est qu’au matin du 21 février 2011 que nous avons constaté les dégâts des actions qui ont eu lieu après le discours du fils de Kadhafi, « SAIF », en effet nous avons vu des voitures brulées, des pneus brulées, mais les commerces étaient intactes.

Les habitants de Tripoli étaient pour ou contre la révolution ? Comment géraient-ils la situation ?

Les opinions politiques des habitants de tripoli, il faut savoir que la situation est bien différente des autres villes libyennes, en effet les autres Bain de sang à Tripolivilles sont formées par des tribus ou des tissus bien contigües de tribus régis par des codes tribaux difficiles à dissoudre et qui étaient apaisés par de grandes sommes d’argents, alors que Tripoli, une ville avec un tissu social très différent formé par des représentants de plusieurs tribus (parfois en conflit) de beaucoup d’étrangers, et enfin d’un tissus appelé « AL AÏDOUN » (les revenants), c’est à dire les gens qui ont fuit la Libye lors de la période coloniale (qui sont considérés comme des lâches et des traitres par le reste de la population et en même temps qui ont reçu toute la gratification de monsieur « KADHAFI ». Ce sont eux généralement qui lui sont loyaux. De plus, les plus grandes forces et symboles du pouvoir sont à Tripoli donc la ville est tenue d’une poigne de fer.

Comme vous pouvez le voir dans les médias, ils tuent les gens et emportent les cadavres avec eux !!!! Des quartiers entiers sont ratissés puis nettoyés pour que les médias étrangers puissent faire des prises.

A mon avis il n’y aura pas une capitulation de la part du pouvoir en place et à moins qu’un de leurs proches ne les élimines, du moins « Mr KADHAFI », il y aura un bain de sang à Tripoli plus atroce que ce qui se passe ailleurs.

Merci à vous Mr Omar pour votre témoignage et bon courage à nos frères libyens.

Auteur de l’article : Ghaith J.

Manager Général du portail Tixup.com et directeur de la publication, passionné par les nouvelles médias, je prends part à l'aventure Tixup depuis la naissance du site.

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