Depuis le temps qu’on entend parler d’un nouvel ordre mondial et interprété à toutes les sauces. On avait déjà remarqué un nombre élevé de mots, révélateurs de l’humeur général des internautes du Moyen-Orient. Savait-t-on déjà dans quels endroits du monde la grogne, le mécontentement massif avaient réuni toutes les conditions nécessaires pour éclore? Qui aurait pu se douter que le premier pays arabo- musulman soit la Tunisie et que massivement, elle démontrerait sa capacité de gagner sa liberté contre la dictature? C’était un événement tout à fait nouveau, à couper le souffle! Comment expliquer cet embrasement de la Tunisie qui a donné soudain suffisamment de force pour entraîner l’Égypte?
En sociologie et selon la théorie des conflits modernes, étudiée par Max Gluckman et John Rex et d’autres sociologues, un ensemble de facteurs prédisposent à la manifestation de conflits et de ses effets. Il s citent : «la rareté des ressources (travail, argent, besoins primaires non satisfaits, impossibilité de la formation du couple, famille etc.) Vient ensuite les inégalités sociales et non le moindre, celui d’une élite qui dicte des limites aux masses les plus grandes.»
Par ses communications, la terre est devenue une famille, Internet est maintenant une réalité sociologique reconnu. Ce formidable moyen de communication de masse a permis d’exposer à d’autres pays des manières différentes de vivre, de s’exprimer et d’être. Internet a montré des États de droit ou les libertés sociales et individuelles peuvent s’épanouir !
Un autre fait sociologique constaté et qui aura des effets prévisibles: dans le monde arabo-musulman les jeunes sont instruits, ouverts au monde et la majorité des jeunes gens qui se sont soulevés ( Tunisie et maintenant l’Égypte ) composent la moitié de la population disponible de leur pays; ce n’est pas rien ! L’équation est facile à comprendre : ne trouvant pas leur place dans l’insertion socio-économique de leur pays, éduqués et sans travail, confrontés à la pauvreté, cette population jeune est dans l’impossibilité d’améliorer son sort, et si on ajoute à ces frustrations , la vision d’un gouvernement aux allures corrompues, additionné d’un manque de justice et qu’en plus il faut se résigner ! Tout s’explique. On a sur place suffisamment d’éléments explosifs pour souffler le couvercle d’une marmite à la moindre étincelle. La révolution est une colère patiente, aux dents acérés, longtemps retenue qui s’attaque au pouvoir en place et qui ne négocie plus rien du tout. Il serait malhabile de la part de Hosni Moubarak et je dirais même dangereux, de s’accrocher au pouvoir afin de ralentir un peuple aux objectifs précis et pourtant (selon Actualité, française.com ) l’armée égyptienne s’est rangée “aux revendication légitimes du peuple” comment peut-il livrer à la population un tel discours!
Dans son message à la population en ce 1 février, le président égyptien a déclaré qu’il voulait rester en place pour assurer la bonne conduite du gouvernement de transition et se retirer dignement en fin de carrière. Il sait pertinemment que l’appareil judiciaire ainsi que le parlement ne font qu’un et qu’il aura la parole (le moment venu) d’imposer les composantes d’un nouveau gouvernement à venir! Au peuple, il propose quelques grenailles comme réforme. Un tel discours si assuré et si loin de la voix populaire, laisse pressentir qu’il tient encore fermement le gouvernail en main! La question qui se pose est de savoir pourquoi cet élégant compromis pour soi-même alors que le peuple réclame massivement son départ? L’armée qui semblait comprendre le peuple est-elle restée fidèle à son président ?
La situation s’envenime! La population n’a pas l’intention de reculer et le président fort de l’appui de son armée (si c’est le cas ou alors d’aide extérieur) peut encore lancer conjointement son armée contre le peuple… Il serait ignoble de lancer l’armée contre son propre peuple, et pourtant rappelez-vous, en1989 et le 4 juin (4 juin, date censurée en chine), Place Tian’anmen à Pékin, la capitale de la République populaire de Chine, ces étudiants, ces intellectuels et ces ouvriers chinois qui ont osé dénoncer la corruption, osé demander des réformes politiques démocratiques, quelle a été la réponse à ces demandes légitimes? Après l’échec des négociations, ils ont instauré la loi martiale et fait intervenir l’armée, ce fut un véritable massacre!! Il y a un temps pour quitter!
Max Herman Gluckman (1911-1975) est un anthropologue britannique né à Johannesbourg (Afrique du Sud).
John Rex, Théorie des conflits modernes, est un Britannique sociologue né à Port Elizabeth ( Afrique du Sud ) en 1925.