Droits de l'Homme

La Tunisie post-révolutionnaire face aux défis régionaux, Cour Arabe des Droits de l’Homme

Droits de l'HommeUne institution régionale pour la consolidation des transitions démocratiques : une Cour Arabe des Droits de l’Homme
Le deuxième grand trait sur lequel reposerait cette union devrait être une Convention Arabe des Droits de l’Homme et de Sauvegarde des Libertés Fondamentales.


Ce texte est au cœur de l’idée de formation d’un axe démocratique, pilier fondamental de l’union. Il s’agit d’une convention au terme duquel plusieurs Etats qui, comme la Tunisie et l’Egypte, aurait opéré leur transition démocratique, s’engagerait à respecter un certain nombre de droits humains et libertés. Ce ne doit pas être un simple manifeste sans la moindre force contraignante comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Ce traité devrait garantir les droits naturels et sacrés de l’Homme :

  • Droit à la vie : abolition de la peine de mort
  • Interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants
  • Droit à la liberté et à la sûreté : interdiction de l’arrestation arbitraire et l’irrégulière
  • Droit à un procès équitable
  • Dispositions garantissant l’Etat de droit
  • Droit au respect de la vie privée et familiale : interdiction des écoutes téléphoniques irrégulières et autres abus commis par les autorités en violation de la vie privée
  • Liberté de pensée, de conscience
  • Liberté d’expression
  • Liberté de réunion et d’association.

Les traités internationaux priment sur la loi, c’est-à-dire qu’ils ont une force juridique supérieure à la loi, les législations nationales devraient respecter ces traités et les droits et les libertés qui y sont garantis, et l’Etat ne devrait en aucun cas les violer. Il s’agit donc, comme ce fut le cas en Europe, de garantir aux citoyens une protection face aux Etats, en contraignant ces derniers à respecter, dans leurs actes et dans leurs législations, les droits garantis par les conventions. Ainsi, une nation arabe qui aurait pris le chemin de la démocratie, en adhérant à cette convention, pourrait s’assurer qu’il ne pourra y avoir de retour en arrière, car elle se placerait sous la protection de la convention arabe des droits de l’Homme qui interdirait tout retour à la torture, à la censure…

C’est un moyen de consolider en commun les acquis de nos révolutions et transitions respectives, de nous placer comme gardiens de notre bien commun et du respect des droits et des valeurs pour lesquels nos peuples ont lutté.

Une Cour Arabe des Droits de l’Homme 

Afin d’assurer l’efficacité du respect des Droits de l’Homme dans les Etats membres, il ne suffirait pas de ratifier cette convention et de laisser le soin de l’appliquer  , il est nécessaire que le respect de cette convention soit assuré par une Cour Arabe des Droits de l’Homme composée par des juges indépendants issus des différents pays, à l’instar de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Cette cour pourrait infliger des sanctions pécuniaires aux Etats qui n’ont pas tenu leur parole, en violant les droits de leurs propres citoyens. Ce mécanisme fonctionne bien en Europe où par exemple la France, suite à des nombreuses condamnations de la CEDH, a été contrainte d’autoriser la présence d’un avocat tout au long de la garde à vue, et de garantir le respect des droits des citoyens par la police.

L’autre exigence de l’efficacité de cette convention serait la possibilité pour chaque citoyen, association, entreprise, ou Etat de saisir cette Cour en vue d’obtenir la sanction d’un Etat qui aurait violé les droits garantis par la convention.

La démocratisation par incitation

Cour de Justice

En plus de remplir cette tâche de consolidation des acquis démocratiques, cette Convention Arabe des Droits de l’Homme servirait l’objectif de la démocratie par l’incitation, car, une fois démontrés les impacts positifs du  traité de libre-échange, les autres Etats arabes qui voudraient y adhérer seraient obligés de réformer leur législation dans le but de respecter les Droits de l’Homme et de se conformer aux normes de l’Union, comme l’ont fait avant eux les pays de l’Europe de l’Est (PECO) qui ont rejoint l’Union Européenne.

L’autoritarisme des dirigeants arabes étant déjà ébranlé par le vent qui a soufflé de la Tunisie le 14 janvier 2011, certains Etats- surtout ceux qui se sont débarrassés d’un dictateur- pourrait avoir intérêt à renoncer aux violations des Droits de l’Homme afin d’intégrer l’espace économique.  Au fur et à mesure que l’Union élargirait, la tentation pour les voisins serait d’autant plus grande de rejoindre le groupe qui aura démontré les bienfaits de l’intégration.

Evidemment, ce volet politique et humaniste serait sans doute l’un des plus difficiles à mettre en place. Des pays comme la Tunisie et l’Egypte, qui ont déjà affirmé leur attachement à la liberté, devraient pouvoir adhérer à une telle convention, en vue de bien marquer leur volonté d’exclure tout retour en arrière. En tout cas, l’adhésion à un tel traité permettrait à nos dirigeants de prouver leur bonne volonté ainsi que la pureté de leurs intentions. Mais l’adhésion, même à long terme, des pays qui n’auraient pas réussi  à se débarrasser d’un régime autoritaire, serait beaucoup plus délicate. Il faudrait également beaucoup de courage à nos hommes politiques pour conditionner l’entrée à ce « club économique des démocraties » par le respect des Droits de l’Homme. Au risque de passer aux yeux des autres pays arabes pour des donneurs de leçons

Pour une diplomatie « révolutionnaire » et audacieuse

L’audace… c’est la qualité essentielle dont nos représentants devront faire preuve si nous voulons cette Union des démocraties arabes. Il a fallu beaucoup d’audace et d’ambition pour construire les bases de l’Union Européenne (UE). Qui seront nos Monnet, nos Schuman et nos De Gasperi ?

L’UE, a connu de formidables réussites. Celles-là, nous devrons les reproduire. Mais des Etats, nous ne devons pas non plus tomber dans le piège d’une union-usine-a gaz, monstre bureaucratique qui ajouterait à la lourdeur, elle d’une administration régionale…. La recherche d’une union politique forcée, sur le plan diplomatique serait également une erreur irrespectueuse des souverainetés nationales. De même, il ne sert à rien, à l’heure actuelle, d’espérer une intégration sur le plan militaire qu’aucun Etat occidental ne permettrait. Soyons humbles, mais ambitieux et raisonnable ; et relevons le défi de l’intégration économique et la création d’un espace démocratique régional.

L’Union Européenne s’est aussi construite en plus de 50 ans. Or, nous n’avons pas un demi-siècle devant nous. Nous devons au contraire profiter de l’opportunité qui nous est offerte, et nous laisser porter par cet élan démocratique malheureusement s’éteindre si nous ne russiserons pas à le consolider. Cette ambitieuse entreprise mais périlleuse demande la plus grande précaution, et pour cela nous devrons doucement mais sûrement. La construction n’aura pas besoin de se faire avec tous les Etats arabes. Nous devrons commencer à petite échelle, bien choisir nos deux ou trois premiers partenaires et nous concentrer à faire de cette intégration une prouesse, avant de penser à l’étendre. Si notre projet est un succès, nous n’aurons pas besoin de la vendre à nos voisins. Ils viendront à nous.

Note de la rédaction: Ce dossier s’étale sur trois volets. Ci-dessous les trois parties.

Partie 1: La Tunisie post-révolutionnaire face aux enjeux régionaux: le positionnement de la Tunisie libérée dans le Maghreb

Partie 2: La Tunisie post-révolutionnaire face aux enjeux régionaux: La libre-circulation des marchandises et services, des capitaux et des personnes.

Partie 3: La Tunisie post-évolutionnaire face aux enjeux régionaux: Convention Arabe des Droits de l’Homme et de Sauvegarde des Libertés Fondamentales

Monde Arabe
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Auteur de l’article : Sami Louati

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