Libre échange : Libre-circulation

La Tunisie face aux enjeux régionaux : Processus d’intégration

La source première de l’intégration devrait être l’adoption d’une convention dont les trois axes seraient la libre-circulation des marchandises et services, des capitaux et des personnes.

I- Le marché unique : la pierre angulaire de l’intégration régionale 

La libre-circulation des personnes

Libre échange : Libre-circulation

Des réalisations ont été faites en matière de libre-circulation des personnes entre les Etats maghrébins dans le cadre de l’UMA. Il n’est pas en principe nécessaire pour les ressortissants Tunisiens, Algériens, Libyens, Marocains et Mauritaniens d’obtenir un visa pour voyager dans les pays membres de l’UMA, mais cette absence de visa ne signifie pas pour autant la libre-circulation des personnes. En effet, nous avons pu voir au cours des années précédentes que divers obstacles ont été imposées par ces Etats dans le but de limiter ou de rendre difficile la circulation des personnes à travers leur frontière pour maintes raisons.

Pour une réelle libre-circulation des personnes, il est nécessaire de ne pas se borner à la suppression des visas et de mettre en œuvre les conditions de la liberté de circuler, de travailler, et de s’établir entre les Etats arabes. Il faut en plus assurer une reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications dans le dessein de permettre aux professions réglementées de s’exercer à travers les Etats. (Avocats, médecins…).

Néanmoins, nous ne devons pas perdre de vue les enjeux sécuritaires liés à la libre-circulation des personnes. Depuis janvier 2011, des troubles secouent la région, sans oublier le développement de réseaux terroristes et de toutes sortes de trafics. C’est la raison pour laquelle les choix des pays qui adhèrent à la libre-circulation devraient être soigneusement étudiés pour prendre en compte ce risque sécuritaire.

La libre-circulation des marchandises et des services

Le deuxième volet pour les Etats membres de l’Union que nous envisageons serait d’établir une véritable zone de libre-échange. Nous avons pu constater les lenteurs, voire les échecs dont souffraient les projets d’intégration régionale à grande échelle. L’ambition quantitative des projets, c’est-à-dire l’idée d’intégrer initialement un grand nombre de pays, est inversement proportionnelle à l’ambition qualitative. En effet, en voyant trop grand, en voulant faire adhérer un grand nombre de pays, on s’expose aux plus grands risques de divergences, de désaccords et de blocages, tandis qu’à deux, trois ou quatre partenaires choisis en fonction de leur détermination, il est plus aisé de parvenir à un accord sur un projet concret et ambitieux. C’est pourquoi il faut agir en dehors de l’accord GAFTA (Greater Arab Free Trade Area) qui n’est pas un véritable accord de libre-échange, mais qui tient à l’heure actuelle à harmonise a minima les politiques commerciales des Etats arabes et se contente de réduire les droits de douane.

Douanes

L’idée est de lever les barrières douanières et supprimer tous les obstacles d’ordre technique ou juridique au commerce entre les Etats membres.

En effet, la libre-échange ne devrait pas se limiter aux flux des marchandises, mais aussi aux prestations de services :

Opérateurs téléphoniques, banques assurances, fournisseurs d’accès internet, entreprises de sécurité, d’entretien…..La libre-circulation des services se matérialiserait par la liberté d’une entreprise des services, de s’établir dans un pays voisin et d’y vendre ses services, qui s’accompagnerait d’une part d’une concurrence entre les prestataires issus des différents pays membres et qui seraient incités à implanter leur activité dans les pays voisins et d’un mouvement de concentration d’autre part. Cette concurrence offrirait au consommateur davantage de choix et tendrait vers une diminution des prix, tandis que la concentration favoriserait l’accroissement de la production et les économies d’échelle.

L’autre impact positif de la création d’une zone de libre-échange serait l’augmentation sensible de l’attractivité des marchés arabes aux yeux des acteurs étrangers. En effet, l’augmentation de la taille du marché intérieur ne favorise pas seulement les flux internes mais aussi les échanges commerciaux avec l’extérieur.

Cette liberté du commerce entre Etats arabes pourrait dans un deuxième temps se conjuguer avec l’établissement d’accords de libre-échange avec les régions voisins, singulièrement l’Europe. Mais cette option nous serait davantage favorable si les Européens renonçaient à toute entrave au commerce et à toute forme de protectionnisme, notamment à leur Politique Agricole Commune, qui, par le biais des subventions à l’agriculture, permet de s’octroyer des avantages indus en vue d’éliminer la concurrence étrangère, et de favoriser la production européenne par rapport à la production des pays émergents. Plus généralement, une ouverture des marchés arabes à l’Europe, aux Etats-Unis, au Japon pourrait n’être envisageable que dans le cadre  d’une concurrence équitable, qui ne serait pas parasitée par les aides accorés par les pays riches à leurs producteurs nationaux, sources d’une concurrence déloyale dont souffrent les pays en développement. Cependant, des économistes ont démontré, sans nier la dégradation des termes de l’échange pour les pays qui entreprend une libéralisation unilatérale, que cette libéralisation était plus avantageuse que le protectionnisme réciproque. En effet, la levée unilatérale des entraves au commerce international a pour effet de favoriser la conclusion des accords de libre-échange avec les pays étrangers qui auront préalablement bénéficie de la libéralisation. En prenant les devants de la levée des entraves, on incite fortement le partenaire protectionniste à accepter la conclusion d’un accord de libre-échange que l’on négociera en position de leadership.

A cela doit superposer la création d’un pole de compétitivité dans le secteur technologique. En effet, parallèlement à l’établissement d’une (ZLE), il faut s’emparer de l’enjeu du transfert de technologies. Nous ne voulons pas d’un modèle de sous-traitance des industries de faible valeur ajoutée pour le compte des investisseurs européens. Mais pour que nos voisins de la rive sud de la Méditerranée puissent nous déléguer les productions à haute valeur ajoutée, nous devons développer nos compétences en la matière, notamment dans le domaine des hautes technologies et de la recherche scientifique. Dés lors, il serait judicieux de fonder une coopération dans le domaine de la nouvelle technologies et de la communication (NTIC) on pourrait aisément faire de cette zone géographique un pôle de compétitivité et d’innovation en mettant en commun des programmes de recherche scientifique, et en promouvant la création des entreprises dans ce domaine précité.

Ce serait également un moyen de favoriser l’initiative des jeunes entrepreneurs et l’embauche des jeunes diplômés.une Silicon Valley arabe pourrait être envisagée, comme ce fut le cas en Russie, en France mais aussi dans plusieurs pays émergents. A travers le mécanisme de l’incitation fiscale, il serait possible de favoriser l’implantation d’industries de pointe, mais également des projets communs aux différents Etats membres en matière technologiques.

La libre-circulation des capitaux

La libre-circulation des capitaux est le corollaire du libre-échange. Il s’agit d’harmoniser les législations et réglementations nationales en matière bancaire et financière. Au-delà d’une harmonisation, il faudrait opérer une modernisation des infrastructures de marché dans les pays arabes.

Argent Public

La libre-circulation des capitaux rend possible l’intégration et l’ouverture des Etats marchés financiers ainsi que l’exportation des services financiers à travers les Etats membres. Elle viendrait en complément du libre-échange des marchandises et des services en permettant aux entreprises qui souhaitent étendre leur activité dans un pays voisin, d’investir directement dans les entreprises de ce pays, mais aussi en favorisant la fusion des entreprises issues de deux pays arabes différents, afin de mettre en commun les compétences et les ressources et de permettre l’émergence de grands groupes industriels et commerciaux régionaux.

En ce qui concerne les marchés financiers, la libre-circulation ouvrirait la possibilité aux entreprises d’être cotées dans les bourses des pays voisins, mais aussi d’investir dans les entreprises étrangères. Comme pour le marché des services et des marchandises, la libre-circulation étendrait la taille du marché des capitaux, créant ainsi des nouvelles opportunités de financement et d’investissement pour les entreprises.

Les objectifs de tout ceci seraient l’amélioration de la compétitivité des marchés financiers des Etats membres par la création d’un marché unique pour les services d’investissements, et d’assurer, par le biais de l’harmonisation, un haut degré de protection pour les investisseurs sur les marchés financiers. La nouvelle architecture des marchés financiers, qui seraient ainsi destinée, aurait vocation à augmenter de manière remarquable la concurrence entre les acteurs arabes de la fourniture de services financiers, mais aussi stimuler la concurrence entre les différents bourses ou plateformes de négociation, dans le but de favoriser la liquidité des marchés financiers ainsi que la réduction du coût de l’accès à ces marchés pour les émetteurs et pour les investisseurs.

La question qui semble inévitable, à l’aune des propositions qui précédent, est celle de l’institution d’une monnaie unique ou commune, déjà proposée à l’échelle du Maghreb par l’Union des Banques Maghrébines en 2007. En éliminant les coûts de transaction liés à l’échange des monnaies nationales, une monnaie unique favoriserait de manière considérable l’intégration des marchés financiers en élargissant le marché naturel des entreprises nationales et en facilitant la comparaison des coûts des services financiers au sein de la zone considérée. De plus, la monnaie unique constitue un facteur principal de concentration de places financières.

Il en ressort que, ne semblant pas absolument indispensable, l’adoption d’une monnaie unique devrait faire l’objet d’une étude sérieuse qui prendrait en compte tant ses avantages que ses répercussions, singulièrement le coût de sa mise en place, l’attitude éventuelle des Etats face à la question de la souveraineté monétaire, et la possibilité pour chaque pays de définir sa politique monétaire en fonction de sa conjoncture propre, mais aussi les risques liés à une politique monétaire commune.

Partie 1: La Tunisie post-révolutionnaire face aux enjeux régionaux: le positionnement de la Tunisie libérée dans le Maghreb

Partie 2: La Tunisie post-révolutionnaire face aux enjeux régionaux: La libre-circulation des marchandises et services, des capitaux et des personnes.

Partie 3: La Tunisie post-évolutionnaire face aux enjeux régionaux: Convention Arabe des Droits de l’Homme et de Sauvegarde des Libertés Fondamentales

Auteur de l’article : Sami Louati

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