Une équipe des Nations Unies recueille des informations sur de graves violations des droits de l’homme en République centrafricaine

GENEVE, Suisse, 14 janvier 2014/African Press Organization (APO)/ — La situation des droits de l’homme demeure extrêmement instable en République centrafricaine (RCA), a indiqué mardi le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à l’occasion de la publication de ses conclusions sur une précédente vague de violations des droits de l’homme survenues au moins de décembre.

Bien que le nombre de heurts semble avoir légèrement diminué au cours des derniers jours, environ 40 personnes ont été tuées depuis vendredi à Bangui et plusieurs cas d’enlèvements, de mutilations et de pillages à grande échelle ont aussi eu lieu ce week-end.

Des violences, des meurtres et des pillages ont aussi été rapportés dans d’autres parties du pays ces derniers jours, a déclaré le Haut-Commissariat. Le 11 janvier, dans la ville de Bozum, des anti-Balaka auraient attaqué un convoi de civils musulmans, faisant plusieurs morts et blessés, pour se venger d’attaques précédentes, y compris du meurtre de dix personnes et de l’incendie de centaines de maisons par des ex-Séléka. Le 8 janvier, des anti-Balaka auraient aussi attaqué le village de Boyali, faisant au moins dix morts parmi les civils musulmans. Des ex-Séléka auraient, par représailles, brûlé des centaines de maisons appartenant à des Chrétiens dans ce même village.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a publié mardi les conclusions préliminaires* formulées par une équipe de quatre personnes déployée en République centrafricaine du 12 au 24 décembre. Celles-ci mettent en lumière un cycle de violations généralisées des droits de l’homme et de représailles, parmi lesquelles des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles, des mutilations, des disparitions forcées, des mauvais traitements, des viols et des attaques délibérées contre des civils en raison de leur religion.

La Haut-Commissaire Navi Pillay a averti qu’ « en dépit d’importants efforts pour la réconciliation à Bangui, la situation demeure extrêmement instable et dangereuse. Sans une intervention sérieuse, d’autres attaques, y compris des atrocités à grande échelle telles que celles qui se sont déroulées le 5 décembre, pourraient bien se reproduire. » Toutefois, elle a dissuadé les nouvelles autorités de recourir à une politique de « tirer pour tuer », en précisant qu’ « il est essentiel que la réponse du gouvernement ne viole pas le droit international relatif aux droits de l’homme. »

L’équipe onusienne des droits de l’homme a documenté de nombreux meurtres extra-judiciaires perpétrés à Bangui les 5 et 6 décembre, suite au lancement d’une attaque coordonnée par les forces anti-Balaka. Lors de ces heurts, les forces anti-Balaka ont tué des membres des forces ex-Séléka et délibérément pris pour cible des civils musulmans, dont des femmes et des enfants.

Lors des représailles qui ont suivi, de nombreuses exécutions extra-judiciaires ont aussi été commises par des forces ex-Séléka. Des ex-Séléka auraient détenu des civils de sexe masculin, dont des garçons, et les auraient exécutés au camp Kassai. Ils auraient aussi recherché et exécuté des hommes et des garçons dans des hôpitaux, dont des patients sévèrement blessés.

Selon des témoins oculaires, des membres de la population musulmane locale ont participé à des meurtres et à des pillages de biens, par exemple dans les quartiers PK12 et PK23, où un groupe d’hommes en uniforme militaire, ainsi que des civils musulmans peuls, ont été vus en train d’entrer dans des résidences de civils, supposément pour séparer les femmes des hommes et tuer ces derniers.

L’équipe a aussi documenté des attaques contre des lieux de cultes impliquant des anti-Balaka attaquant des lieux de culte musulmans, notamment dans le district de Fouh, où 200 anti-Balaka ont attaqué et incendié une mosquée. Ils auraient aussi tué et mutilé plusieurs personnes.

Depuis la fin de la première phase de combats intenses des 5 et 6 décembre derniers, des accrochages sporadiques ont continué à avoir lieu, aboutissant à de multiples meurtres par représailles de civils musulmans et chrétiens. Ces incidents ont tout particulièrement frappé la capitale Bangui mais ont aussi affecté d’autres parties du pays, et notamment les préfectures d’Ouham et de Nana-Mambéré.

L’équipe onusienne des droits de l’homme a, notamment, établi que, le 7 décembre 2013, deux personnes déplacées internes de l’église Saint Paul à Bangui auraient été tuées par les forces ex-Séléka, à dominante musulmane. Le 13 décembre, huit civils chrétiens et musulmans ont aussi été tués dans différents quartiers de Bangui. Le 20 décembre, des ex-Séléka auraient ouvert le feu sur le monastère Saint Jacques à Bangui, où quelques 20 000 déplacés internes ont trouvé refuge, faisant au moins 27 morts.

Des témoignages recueillis au sein de la communauté musulmane des quartiers Combattant et Gabongo et d’autres zones de Bangui ont aussi décrit des attaques et meurtres de civils musulmans, dont des familles entières, par des forces chrétiennes anti-Balaka.

A Bouar, dans la préfecture de Nana-Mambéré, des violations des droits de l’homme commises par des anti-Balaka, des ex-Séléka et des civils ont aussi été rapportées tout au long du mois de décembre, dont des meurtres et l’incendie de nombreuses maisons appartenant à des civils. Le 11 décembre, dans le village de Loh, des représailles faisant suite à l’arrestation et à l’exécution d’un homme par des ex-Séléka ont fait au moins 25 morts parmi les ex-Séléka et les civils musulmans, et 33 blessés. Suite à ces meurtres, des ex-Séléka et des civils musulmans auraient attaqué la population chrétienne à Loh et dans les villages avoisinants.

Le 16 décembre, dans une zone proche de Bossangoa, dans la préfecture d’Ouham, dix femmes auraient été tuées par des civils musulmans Peul armés (Mbororos).

Les conclusions préliminaires suggèrent que le déploiement des troupes françaises et le renforcement des forces africaines de maintien de la paix, ainsi que le cantonnement consécutif de combattants ex-Séléka ont, dans une certaine mesure, empêché d’autres attaques à grande échelle par des ex-Séléka contre des anti-Balaka et des civils chrétiens. Toutefois, la mission a reçu de nombreux rapports indiquant que le désarmement des ex-Séléka mené par les forces françaises aurait laissé certaines communautés musulmanes vulnérables aux représailles des anti-Balaka. Divers incidents se sont déroulés à Bangui, incidents au cours desquels des anti-Balaka ou des foules hostiles ont pris pour cible et tué des ex-Séléla désarmés et leurs familles.

L’équipe du Haut-Commissariat a aussi rapporté avoir reçu de nombreux témoignages identifiant certains ex-Séléka auteurs de violences comme étant des Tchadiens. Des témoins ont, de manière systématique, rapporté que des ex-Séléka portant des brassards de membres Tchadiens des forces de maintien de la paix FOMAC, sont allés de maison en maison à la recherche d’anti-Balaka et ont tués des civils par balles. L’équipe a aussi recueilli des témoignages crédibles de collusions entre des éléments tchadiens de la FOMAC et des forces ex-Séléka.

« L’état généralisé de non-droit et les violations flagrantes des droits de l’homme mis en exergue dans ces conclusions préliminaires confirment la nécessité d’une action urgente et de rendre des comptes », a indiqué Navi Pillay.

La Haut-Commissaire donnera un compte-rendu complet des conclusions de son équipe, ainsi qu’une mise à jour de la situation des droits de l’homme lors de la session spéciale organisée par le Conseil des droits de l’homme qui se déroulera à Genève le 20 janvier.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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