Egypte: La nouvelle loi sur les manifestations comporte de graves lacunes et doit être modifiée, déclare Navi Pillay

GENEVE, Suisse, 26 novembre 2013/African Press Organization (APO)/ — La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Navi Pillay a averti, mardi, que la nouvelle loi réglementant les manifestations en Egypte pourrait donner lieu à des violations graves du droit à la liberté de réunion pacifique et a demandé que cette loi soit modifiée.

La loi donne des pouvoirs étendus aux forces locales de sécurité pour interdire des rassemblements. L’article 7 de la loi interdit aux manifestants des comportements qui pourraient, entre autres, constituer une menace à la « sécurité » et à l’ «ordre public », « déranger les intérêts des citoyens » ou faire obstruction à la justice, sans toutefois fournir une définition claire des termes employés.

« Le droit international exige de la précision pour détailler quel comportement spécifique est interdit par la loi », a déclaré Navi Pillay.

« Voici un pays dont les habitants ont proclamé haut et fort, avec clarté et courage et de manière répétée, leur désir de pouvoir manifester pacifiquement conformément aux droits de l’homme internationaux », a-t-elle poursuivi. « Les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme égyptiens ont fait part de nombreuses préoccupations mais celles-ci n’ont malheureusement pas été prises en compte. »

« Les dispositions sur le recours à la force par les responsables de l’application des lois et les sanctions excessives, notamment les lourdes amendes et les peines de prison, qui peuvent être imposées aux personnes considérées comme enfreignant cette loi sont particulièrement préoccupantes », a déclaré la Haut-Commissaire.

La nouvelle loi établit une liste de mesures graduelles que les responsables de l’application des lois peuvent employer pour disperser les manifestants indisciplinés, après avoir adressé des sommations. Ces mesures incluent l’utilisation de gaz lacrymogènes, de canons à eau, de grenades fumigènes, de coups de semonce, de balles en caoutchouc et même de balles réelles.

« Ces trois dernières années, il y a eu une série d’incidents extrêmement graves au cours desquels les autorités auraient eu recours à un usage excessif de la force contre des manifestants – dont le plus récent s’est déroulé lors des évènements mortels du 14 août à Rabaa al-Adawiya, au Caire », a déclaré Navi Pillay. « La loi devrait indiquer de manière absolument claire que, conformément aux standards internationaux, l’usage meurtrier d’armes à feu ne peut avoir lieu que lorsque cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines. »*

« Il existe un risque réel que la vie de manifestants pacifiques soit mise en danger en raison du comportement violent de quelques-uns ou parce que la loi pourrait être trop facilement interprétée par les forces locales de sécurité d’une manière qui leur permette un usage excessif de la force dans des circonstances inappropriées », a déclaré la Haut-Commissaire.

En vertu de la nouvelle loi, les organisateurs de manifestations sont tenus de donner un préavis de trois jours à la police (sauf lors de périodes électorales, ce délai étant alors réduit à 24 heures). « Cette disposition revient en fait à proscrire les manifestations pacifiques spontanées », a ajouté Navi Pillay.

« La loi est aussi trop étendue en termes de limites imposées aux emplacements », a-t-elle poursuivi. « L’article 5, par exemple, contient une interdiction étendue des réunions ou assemblées publiques à des fins politiques dans et à proximité des lieux de culte. Il existe des dizaines de milliers de mosquées, églises, sanctuaires et autres lieux de culte en Egypte. »

« Nul ne devrait être incriminé ou faire l’objet d’une quelconque menace, acte de violence, harcèlement, persécution, intimidation ou représailles pour aborder des questions relatives aux droits de l’homme lors de manifestations pacifiques », a déclaré la Haut-Commissaire. « Le fait que la loi criminalise les actes des manifestants qui pourraient porter atteinte à “la sécurité et à l’ordre public”, sans définir clairement ces termes, laisse la porte ouverte à une interprétation très restrictive et répressive. »

« Les organisateurs de rassemblements ne devraient pas être tenus responsables du comportement violent d’autres personnes », a-t-elle déclaré. « Au lieu de cela, la police a le devoir de retirer les personnes commettant des actes violents de la foule afin de permettre aux manifestants d’exercer leurs droits fondamentaux de se réunir et de s’exprimer pacifiquement. »

« J’exhorte les autorités à modifier ou à abroger cette nouvelle loi qui comporte de graves lacunes », a déclaré Navi Pillay.

Le droit à la liberté de réunion est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme et garanti par les principaux traités des droits de l’homme, en particulier l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que l’Egypte a ratifiés en 1982.

* Les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois stipulent que « les responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, ou pour prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour procéder à l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et résistant à leur autorité, ou l’empêcher de s’échapper, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs. Quoi qu’il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines. »

Auteur de l’article : Agence-Presse

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