Déclaration liminaire de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Navi Pillay lors de la conférence de presse tenue à la fin de sa mission au Cameroun

GENEVE, Suisse, 3 juillet 2013/African Press Organization (APO)/ — Déclaration liminaire de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Navi Pillay lors de la conférence de presse tenue à la fin de sa mission au Cameroun

Yaoundé, le 2 juillet 2013

Bonjour et merci pour votre présence,

Il s’agit de ma première visite au Cameroun et je dois dire que cette mission a été très productive. J’ai eu l’opportunité d’avoir des discussions approfondies avec les ministres des Relations extérieures, de la Justice, de la Promotion de la femme et de la famille, avec le Président de l’Assemblée nationale et avec le Président du Sénat.

J’ai également rencontré des représentants des institutions judiciaires ainsi que le Président et des membres de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés.

Nos discussions ont porté sur les réalisations accomplies par le Cameroun et sur les défis auxquels le pays est confronté en termes de respect des normes internationales en matière de droits de l’homme. J’ai réitéré la disponibilité de mon organisation à soutenir ce processus.

Lundi, je me suis aussi entretenue avec des membres de la communauté diplomatique, des agences onusiennes et de la société civile au siège de mon bureau régional.

La société civile camerounaise est riche de sa diversité mais est aussi confrontée à de nombreux défis, comme me l’ont expliqué les divers groupes rencontrés. Je leur ai répondu en mettant en avant le fait que, partout dans le monde, les militants de la société civile ont mon soutien plein et entier.

La paix et la sécurité qui ont prévalu au Cameroun ces dernières décennies ont fait de ce pays un acteur régional d’importance et le foyer de nombreux réfugiés.

Le Cameroun a ratifié six traités fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, lui donnant un cadre solide pour guider le développement et l’amendement des lois et des politiques nationales relatives aux droits de l’homme. Le pays a déployé des efforts importants pour soumettre des rapports dus de longue date aux organes des traités chargés de surveiller la mise en œuvre de ces conventions ; il doit être loué pour avoir ratifié plusieurs instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme.

L’Examen périodique universel du Cameroun, qui a eu lieu en mai, s’est déroulé sans heurt, la plupart des délégations reconnaissant que de nombreuses réalisations ont été accomplies en matière de droits de l’homme.

Toutefois, cet examen a aussi mis en lumière un certain nombre de préoccupations telles que les violences contre les femmes, le harcèlement des journalistes, la criminalisation de l’homosexualité ainsi que la vulnérabilité des populations autochtones, dont les droits sont menacés par les activités d’entreprises du secteur minier et forestier. J’ai abordé ces sujets lors de mes entretiens.

La prochaine étape pour le Cameroun est de mettre l’accent sur une mise en œuvre rigoureuse des recommandations émises par les organes des traités, par les procédures spéciales et lors de l’Examen périodique universel, afin d’établir un système de protection des droits de l’homme fort et inclusif qui bénéficie à toute sa population.

Lors de mes entretiens avec le Ministre de la Justice ainsi qu’avec des magistrats et des juges de premier plan, j’ai souligné la nécessité de s’assurer que l’indépendance du judiciaire soit réelle et garantie.

J’ai aussi fait part de ma préoccupation face aux procédures judiciaires lentes et longues. J’ai également insisté auprès des magistrats pour qu’ils adoptent une approche axée sur les droits de l’homme et pour qu’ils envisagent, dans toute la mesure du possible, des formes alternatives de punition afin de décongestionner les prisons surpeuplées.

L’une des conséquences concrètes et souvent dévastatrices de ce problème réside dans le grave surpeuplement des prisons et dans les conditions de détention désastreuses, avec environ 60 pour cent des détenus en attente de jugement.

Je pense qu’une coopération plus étroite entre les magistrats et la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, des lois nationales plus adaptées et des ressources suffisantes permettront que la justice soit administrée de manière plus rapide et efficace au Cameroun.

La lutte contre l’impunité est un autre défi au Cameroun. En 2010, le Comité contre la torture s’est dit préoccupé par le fait que le personnel des forces de sécurité commettant des violations des droits de l’homme n’ait pas rendu de comptes.

Je salue les efforts déployés par le gouvernement pour mettre un terme à l’impunité parmi les hauts fonctionnaires accusés d’être impliqués dans des détournements de fonds publics, mais il est aussi important que ces efforts pour lutter contre l’impunité se fassent dans le respect des normes relatives aux droits de l’homme, comme je l’ai d’ailleurs indiqué au Président de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, et aux représentants de la magistrature.

On m’a dit que les femmes continuaient à souffrir de lois et de pratiques discriminatoires. Les membres de la société civile que j’ai pu rencontrer m’ont fait part des défis auxquelles sont confrontées les femmes et les filles, notamment les violences, les violences sexuelles, le fort taux de mortalité maternelle, les pratiques traditionnelles néfastes, les mariages précoces et le manque d’accès au droit à la propriété.

J’ai aussi reçu des informations indiquant combien il est important que le gouvernement aille de l’avant dans l’adoption du code de la famille, code qui est perçu comme un document clef pour le droit des femmes au Cameroun.

Je salue les déclarations faites par le gouvernement indiquant que la révision du code pénal qui est en cours vise à s’attaquer à toutes les formes de violences contre les femmes et à intégrer des dispositions de plusieurs traités internationaux relatifs aux droits de l’homme signés et ratifiés en bonne et due forme. J’incite vivement le gouvernement à combattre fermement les pratiques traditionnelles néfastes.

Parmi les autres problèmes longuement évoqués figure la liberté d’expression. La Constitution camerounaise garantit la liberté de la presse et les médias doivent être encouragés à informer de manière éthique et responsable. En même temps, il est préoccupant que la diffamation soit considérée comme une infraction pénale pouvant aboutir à des peines d’emprisonnement. J’ai soulevé cette question avec les autorités et je joins ma voix aux appels internationaux demandant au gouvernement de changer cette disposition.

Comme mentionné précédemment, le Cameroun a ratifié six traités fondamentaux relatifs aux droits de l’homme. J’encourage le gouvernement à mettre ses lois nationales en conformité avec ces traités et à ratifier ceux encore en suspens. Parmi ceux-ci figurent le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que les conventions relatives aux travailleurs migrants et aux disparitions forcées.

Dans la même perspective, il est à noter que bien qu’un moratoire sur l’utilisation de la peine de mort soit en vigueur depuis deux décennies, la ratification du Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, enverrait un message fort sur l’engagement du Cameroun à l’égard des normes relatives aux droits de l’homme. J’encourage également le gouvernement à émettre une invitation permanente aux mandataires des Procédures Spéciales du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

Je suis convaincue que le Cameroun peut aller de l’avant dans ses efforts pour garantir une plus grande protection des droits de l’homme pour tous, sans discrimination d’aucune sorte.

J’exhorte le gouvernement à continuer de créer un environnement propice à la paix, à la sécurité et au respect des droits de l’homme et à poursuivre son combat contre la pauvreté grâce à une protection efficace des droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement doit s’assurer que la population du Cameroun bénéficie des ressources générées dans le pays. Nous sommes prêts à continuer à offrir au Gouvernement et à toute personne au Cameroun notre aide et nos conseils dans le cadre de ces efforts.

Je lance un appel à la communauté internationale afin qu’elle soutienne davantage le pays dans ces efforts pour améliorer la gouvernance et le respect des droits de l’homme.

Je vous remercie.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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