Négociations sur Kidal : « l’amnistie n’est pas une solution »

PARIS, France, 18 juin 2013/African Press Organization (APO)/ — La FIDH, l’AMDH et l’UIDH sont préoccupées par la teneur des négociations en cours à Ouagadougou pour le contrôle de la région de Kidal entre les autorités maliennes et les groupes touaregs, et particulièrement par la possible amnistie pour les crimes perpétrés envisagée par le projet en discussion ; et appellent à la conclusion d’un accord sans ignorer la justice et les victimes.

Depuis plus de dix jours, les autorités maliennes négocient avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) à Ouagadougou afin de trouver une issue pacifique à la crise entre le gouvernement malien et le MNLA pour le contrôle de la ville de Kidal et de ses environs afin d’y rétablir l’autorité de l’État et notamment de pouvoir y organiser les élections présidentielle et législatives.

Nos organisations ont été informées que dans le cadre de ces négociations, le projet prévoirait notamment une possible amnistie (article 17) pour les responsables et auteurs de crimes autres que les « crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide, crimes de violence sexuelle et violations graves du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire ».

« Si un accord consensuel est indispensable pour Kidal, il ne doit pas se faire sur le dos des victimes car l’amnistie n’est jamais la solution ; l’impunité est un boomerang qui revient toujours et qui explique en grande partie la crise actuelle au Mali » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH. « Pourquoi reproduire ce qui a déjà échoué par le passé ? » s’est-il interrogé.

Le projet d’accord prévoit aussi une « Commission internationale sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, les crimes de violence sexuelle et les autres violations graves du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire sur tout le territoire du Mali » qui constitue une avancée intéressante si elle ne duplique pas le travail de la Cour pénale internationale (CPI) qui a déjà ouvert une enquête sur le Mali concernant les mêmes faits et si la composition de cette Commission internationale valide son indépendance et alimente le travail objectif de la justice dont l’indépendance doit être garantie.

« Un accord est possible si d’une part il s’inscrit dans un réel processus de dialogue, de justice et de réconciliation et si d’autre part les parties respectent strictement leurs engagements » a déclaré Me Brahima Koné, président de l’UIDH.

En effet, les 24 articles du projet d’accord, que nos organisations ont pu consulter, prévoient notamment la réaffirmation de principes importants pour la protection des populations civiles, le respect du droit international humanitaire et des droits de l’Homme, et notamment « l’arrêt de tous les actes de violence, des arrestations arbitraires, des actes de torture et de harcèlement, de la détention et des exécutions sommaires des civils, de l’utilisation des enfants soldats, de la violence sexuelle, de l’armement des civils, de la détention des prisonniers du fait du conflit, ainsi que de la formation et l’utilisation de terroristes », le déploiement des observateurs droits de l’Homme, et la mise en place d’un programme de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). L’accord prévoit également l’ouverture d’un dialogue inclusif 60 jours après l’élection présidentielle concernant notamment l’organisation administrative et institutionnelle du Mali, en particulier dans les régions du Nord ; la stratégie de développement et la gestion des ressources et richesses nationales ; la réorganisation des forces de défense et de sécurité et le programme DDR ; l’amélioration de la gouvernance administrative, économique et politique ; le retour des réfugiés et des personnes déplacées et leur réinsertion ; la promotion et la protection des droits de l’Homme au Mali ; et la justice et la réconciliation.

« Deux aspects sont fondamentaux aujourd’hui dans cet accord : premièrement, on ne peut pas atteindre la justice et la réconciliation en adoptant dans le même temps une amnistie ; deuxièmement, il faut respecter les engagements pris, en premier lieu par l’État, en matière de vérité, de justice, de dialogue, de réconciliation et de développement pour saper à la base les raisons de la révolte et garantir à tous les citoyens maliens, quels que soient leurs origines, leur développement, leur sécurité et la pleine jouissance de leurs droits » a déclaré Me Moctar Mariko, président de l’AMDH.

Par ailleurs, nos organisations appellent à la libération des 21 membres du Forum des organisations de la société civile arrêtés, le 17 juin 2013, lors d’une marche de protestation contre les négociations de Ouagadougou et détenus jusqu’à lors au commissariat de police du 1er arrondissement. La liberté d’expression est un droit fondamental garanti par les instruments régionaux et internationaux auxquels le Mali est partie, et est nécessaire à l’expression démocratique.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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