L’UA doit redoubler d’efforts sur les situations de crises et de conflits et garantir l’effectivité des mécanismes de protection des droits de l’Homme

PARIS, France, 8 février 2013/African Press Organization (APO)/ — Si la FIDH se félicite de ce que, à l’issue de son 20ème Sommet ordinaire, l’Union africaine se soit engagée à faire de la protection des civils et du rétablissement de l’État de droit, une des priorités dans la résolution du conflit au Mali, notre organisation appelle aujourd’hui l’UA à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner effet immédiat à ces engagements, à redoubler d’efforts concernant les autres situations de conflits et de crises politiques qui sévissent sur le continent ; et à mettre tout en œuvre pour garantir l’effectivité les mécanismes africains de protection et de promotion des droits de l’Homme.

Dans un contexte sécuritaire et politico-social encore fragile au Mali, la FIDH se félicite de la décision de l’Union africaine de déployer, dans le cadre de la MISMA, et avec l’appui de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, des observateurs civils chargés de « surveiller la situation des droits de l’Homme dans les zones libérées et aider les autorités maliennes à créer les conditions d’une réconciliation durable entre les différentes composantes de la société malienne, ainsi que de la consolidation de la paix ». La FIDH appelle l’UA à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner effet à cette décision dans les plus brefs délais, et ce, en concertation et coordination avec les Nations Unies et l’Union européenne, qui prévoient également des mécanismes de formation et surveillance des droits de l’Homme dans ce pays.

Au Sud Kordofan et au Nil Bleu, les civils continuent d’être otages du piétinement des négociations entre Soudan et SPLM-N et, de fait, de la poursuite des affrontements entre les deux protagonistes. L’Union africaine doit tout mettre en œuvre pour garantir aux populations affectées une assistance humanitaire d’urgence, effective et inconditionnelle et pour qu’il soit mis un terme immédiat aux hostilités, au risque que les civils continuent de faire les frais de bombardements aériens aveugles, exécutions sommaires, déplacements forcés ou encore destruction de biens. De même, dans un contexte de paix précaire entre Soudan et Soudan du Sud, l’UA doit impérativement redoubler d’efforts pour que des accords pérennes – sur la démarcation des frontières ou le statut de la région d’Abyei notamment – soient enfin entérinés et respectés par les deux États. Des sanctions, y compris individuelles, doivent pouvoir être envisagées en cas d’échec des négociations.

L’UA doit par ailleurs maintenir une attention particulière sur les situations d »instabilité politique et sécuritaire qui prévalent en République démocratique du Congo (RDC) – où la situation demeure très volatile en dépit d’un premier accord survenu hier entre le gouvernement congolais et le M23 dans le cadre de leurs négociations à Kampala – et en République centrafricaine (RCA), où l’UA doit peser de tout son poids pour soutenir le processus de transition politique en cours et prévenir toute résurgence du conflit dans ce pays. Aussi, alors même que l’Union africaine s’est dite préoccupée par le phénomène de « banalisation du recours à la rébellion armée » sur le continent et qu’elle examine « les voies et moyens les meilleurs pour faire face [à ce] fléau », la FIDH rappelle que l’impunité demeure une des sources des conflits répétés dans de nombreux pays, notamment en RDC et en RCA, et qu’il importe à l’UA d’encourager et soutenir, aux niveaux national et international, les procédures judiciaires permettant de poursuivre et juger les auteurs de crimes. Il en va de la consolidation de la paix et du renforcement de l’État de droit dans ces deux pays.

La FIDH rappelle également que les mécanismes africains de promotion et de protection des droits de l’Homme, tels que la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) ou la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples peuvent eux aussi constituer des remparts efficaces contre les violations des droits fondamentaux, à condition que soit garantie leur effectivité et préservée leur indépendance d’action. La FIDH salue à cet égard l’appel lancé par l’Union africaine à la ratification du Protocole portant création de la Cour et à la déclaration permettant aux individus et ONG de la saisir directement. Notre organisation s’étonne toutefois de ce que l’UA ait encouragé la CADHP à prendre contact avec les États avant la diffusion de résolutions les concernant. La FIDH craint qu’il ne s’agisse là d’une entreprise visant à remettre en cause l’indépendance de la CADHP. notamment dans la prise de positions visant la responsabilité des États dans la commission de violations des droits garantis par la Charte africaine. Cela constituerait un recul majeur.

La FIDH prend également note de la poursuite des discussions portant sur l’extension de la compétence de la Cour africaine aux crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide, de même que sur l’entame d’une réflexion concernant la mise en place d’une Cour constitutionnelle internationale « en tant qu’organe consultatif et juridictionnel chargé d’assurer le respect de la promotion des principes démocratiques, des droits de l’Homme et de l’État de droit ». Tout en saluant cette volonté manifeste de prendre les mesures qui s’imposent pour mettre fin à l’impunité et garantir le respect de l’État de droit, de la démocratie et de la bonne gouvernance, la FIDH rappelle que la conformité de la définition des crimes relevant de la compétence de ces instances avec le droit international en vigueur, que l’accès – en particulier pour la Cour africaine – aux individus et ONG de défense des droits de l’Homme, l’indépendance de ces instances, l’allocation d’un budget adéquat à l’exercice de leur compétence, ou encore la coordination, non seulement entre elles, mais aussi et surtout entre la Cour africaine et la Cour pénale internationale, devraient constituer les conditions sine qua non de leur création afin d’en garantir l’effectivité et l’efficacité.

La FIDH prend enfin note des inquiétudes soulevées, lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet, par le Président du Bénin, Boni Yayi, alors président en exercice de l’Union africaine, concernant les dysfonctionnements structurels qui portent atteinte à l’efficacité de l’organisation et en particulier à sa capacité à répondre de façon cohérente aux différentes situations de crises et de conflits. Alors que l’UA s’apprête à célébrer son 50ème anniversaire, la FIDH l’appelle à saisir cette occasion pour prendre les mesures lui permettant, en coordination avec les Communautés économiques régionales, de renforcer sa capacité de réaction et de résolution des situations de crises et de conflits.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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