Vingt-deuxième session ordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine

ADDIS ABEBA, Ethiopie, 25 janvier 2013/African Press Organization (APO)/ — Allocution de M. Carlos Lopes Secrétaire général adjoint de l’Organisation des Nations Unies et Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique 24 janvier 2013 Addis-Abeba (Éthiopie)

Monsieur Nassirou Bako Arifari, le Président du Conseil exécutif de l’Union

africaine,

Madame Nkosazana Dlamini-Zuma, la Présidente de la Commission de l’Union

africaine,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de prendre la parole devant cet éminent Conseil, pour la première fois en ma qualité de Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique.

Permettez-moi, à ce stade de saluer et de rendre hommage à l’hospitalité du Gouvernement et du peuple éthiopiens qui, outre l’Union africaine, sont les hôtes prévenants et attentifs de la CEA. Laissez-moi également exprimer ma sincère gratitude à la Présidente de la Commission de l’Union africaine, aux autres Commissaires et à tout le personnel de la Commission, qui se sont montrés déterminés à assurer la réussite de cette réunion et ont œuvré sans relâche aux préparatifs du Sommet qui va s’ouvrir.

Le Conseil, tout comme le Sommet auquel il apporte conseil et appui, symbolise l’essence même du panafricanisme, et ce alors que nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine. Le thème de la réunion, Panafricanisme et renaissance africaine, fait écho à la célèbre question du Sénégalais Cheikh Anta Diop, qui avait demandé, on s’en souvient encore: «Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine?».

Mesdames et Messieurs les ministres,

C’est peut-être banal, mais il est utile de dire que le monde a énormément changé au cours des 20 dernières années. Pendant cette période, nous avons vu naître une nouvelle phase de mondialisation, accélérée par la révolution des TIC, les technologies de l’information et de la communication. Il est désormais possible pour les marchés financiers internationaux de rester ouverts 24 heures et de déplacer, d’un simple clic, d’énormes ressources au-delà des frontières. Cette période est également caractérisée par une économie et une société mondiales du savoir et par des pressions en faveur d’une démocratisation universelle. Les flux de capitaux transfrontières sont ainsi passés d’environ 5 % du PIB mondial dans les années 90 à plus de 20 % aujourd’hui. De même, le commerce des biens intermédiaires, qui représente plus de 50 % des échanges mondiaux de produits autres que les combustibles, montre l’importance croissante des chaînes de valeur.

Dans le même temps, nous assistons à un remaniement des puissances économiques, avec l’émergence au niveau mondial de pays tels que le Brésil, la Chine et l’Inde. Cette tendance va de pair avec une nette modification des profils démographiques, une urbanisation rapide, un mouvement mondial de la société civile qui se fait entendre et une prise de conscience généralisée de la nécessité urgente qu’il y a à protéger l’environnement. Ces phénomènes tendent à prolonger l’envolée des cours des matières premières, qui a permis à de nombreux pays du monde entier, y compris en Afrique, d’enregistrer des niveaux de croissance qu’ils n’avaient pas connus depuis longtemps.

En effet, l’Afrique n’est pas restée statique face à l’évolution du monde. Notre continent évolue, lui aussi, et la tendance est nettement positive. Comme le regretté Président Nyerere le disait « …. le monde forme une entité. La globalisation est maintenant devenue une réalité des temps modernes. Ensemble nous pouvons transformer cela en une force pour le bien …. le bien pour toutes les populations du monde. Et, cela est faisable »

Ce n’est que récemment, à partir de 2005 à peu près, que nombre de pays du continent ont commencé à enregistrer de nouveau une croissance économique, parfois même à deux chiffres, ce qui les place parmi les pays connaissant la croissance la plus rapide au monde. Le retour de la croissance en Afrique au cours des 10 premières années du nouveau millénaire a donné à penser que l’Afrique pouvait devenir un pôle de croissance pour le monde. Alors que, quelques années auparavant, elle était encore décrite de façon peu flatteuse comme une plaie ouverte pesant sur la conscience de l’humanité et comme le continent dépourvu d’espoir, l’Afrique est désormais vue comme une région en pleine croissance. Grâce à cette nouvelle image, elle bénéficie de toutes sortes de partenariats avec les principaux acteurs du système international contemporain.

Aujourd’hui, six des dix économies à la croissance la plus rapide sont en Afrique, et il est dit que cette dernière a le meilleur taux de rendement sur les investissements dans le monde. En effet, les dépenses des ménages africains sont maintenant supérieures à celles des ménages en Inde et en Russie, avec Lagos devenu un plus grand marché de consommation que Mumbai. L’état de droit et le respect des droits de la propriété privée se généralisent, et les améliorations du secteur financier se multiplient. La révolution des télécommunications en Afrique et ses innovations dans le domaine des technologies de l’information ont, elles aussi, pris le monde par surprise.

Ces changements ont sorti l’Afrique d’une ère d’afro-pessimisme et c’est maintenant l’heure de l’afro-enthousiasme. Il convient toutefois de célébrer avec prudence le retour de l’Afrique sur la voie de la croissance, et ses perspectives en général, car le continent doit encore faire face à des difficultés importantes qui doivent être résolues de toute urgence. Il s’agit notamment de la qualité et de la viabilité de cette croissance, notamment au vu de la dégradation massive des structures de production ainsi que des capacités publiques et institutionnelles. Certaines de ces lacunes, aggravées par un nombre élevé de chômeurs, en particulier de jeunes, contribuent à de graves inégalités au niveau national et à une pauvreté persistante.

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Pour aller de l’avant, l’Afrique doit tirer parti des tendances actuelles de croissance pour asseoir sa transformation structurelle à plus grande échelle. Le monde peut avoir un intérêt particulier dans l’émergence de l’Afrique, mais la croissance qui doit compter pour les Africains est celle qui se fonde en premier lieu sur leurs intérêts et leurs préoccupations. Cette croissance doit être conduite par les Africains eux-mêmes, en fonction de leurs priorités, et ouvrir la voie à une transformation structurelle. Elle exige des efforts continus pour améliorer les systèmes de gouvernance, renforcer les capacités des États, tirer parti des technologies de l’information et de la communication, promouvoir l’égalité des sexes et mobiliser l’énergie et la créativité de la jeunesse africaine.

Il ne sera pourtant pas facile de traduire la croissance actuelle en projet global de développement transformatif. Il faut remanier l’État africain et ses institutions de façon à renforcer ses capacités d’élaboration de stratégies efficaces. Nous devrons veiller à accroître les capacités d’une planification générale et intégrée du développement et d’une analyse à long terme, qui demandent toutes deux des investissements plus ambitieux pour la collecte et la diffusion de données statistiques et d’éléments concrets fondés sur des données.

Le programme de développement transformatif de l’Afrique doit également passer par une nouvelle conception de l’élaboration et de la gestion des politiques macro-économiques ancrée dans l’objectif principal de dynamisation de la croissance et de l’emploi, sans compromettre les équilibres nécessaires à une stabilité relative. Pour cela, il faut une meilleure concordance entre les politiques macro-économiques et sociales. Comme le regretté Premier Ministre Meles Zenawi qui nous a laissée une mémoire que nous continuerons de nourrir le disait tantôt « Le développement social n’est pas seulement un élément essentiel du développement mais il est également un élément fondamental pour accélérer la croissance économique » Il convient d’accorder une attention accrue aux politiques commerciales et industrielles pour garantir qu’elles occupent la place qui leur revient dans le processus de planification et cadrent mieux avec les politiques liées aux ressources naturelles, à l’agriculture, à l’éducation, aux questions budgétaires et monétaires, ainsi qu’à la science et technologie.

D’autre part, les déficits en infrastructures que connaît l’Afrique sont nombreux et y remédier doit être une priorité majeure pour les années à venir. Il convient également de se pencher sur la vaste gamme de questions de durabilité environnementale et sociale qui font actuellement partie intégrante de la théorie et de la pratique du développement.

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Ce sont là de grandes questions, qui méritent chacune une attention soutenue. Aucune des opportunités ou des difficultés que représentent pour l’Afrique les transformations mondiales et continentales que je viens d’évoquer n’est vraiment nouvelle. Ce qui doit être nouveau, c’est la façon dont les stratégies et les politiques sont élaborées pour donner des résultats de développement qui seront à l’origine d’une transformation progressive et durable de l’Afrique, au bénéfice de ses habitants.

Le monde change, l’Afrique change, aussi la CEA se doit de changer. Pour être adaptée au programme de développement de ses États membres, la CEA doit se moderniser et réorganiser ses programmes. En effet, à la CEA, nous sommes déterminés à nous soucier de « l’Afrique d’abord » dans tout ce que nous faisons. C’est pour cela que nous avons mis au point une nouvelle orientation stratégique pour notre institution, qui vise à garantir que la Commission contribue de façon significative au programme de développement transformatif de l’Afrique et apporte un appui de meilleure qualité à ses États membres en renforçant ses priorités et sa spécialisation.

En remaniant la CEA, nous allons faire fond sur les points forts de son passé et de son présent, en tenant compte de la contribution des autres institutions du continent. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous continuerons à promouvoir avec détermination le partenariat étroit que la CEA a établi avec la Commission de l’Union africaine et la Banque africaine de développement. Par ailleurs, nous sommes bien conscients que la réussite de nos efforts dépendra de l’attention que nous apportons à nos États membres, pour les aider à déterminer avec soin leur trajectoire de développement et à générer les politiques et les connaissances permettant d’étayer des choix stratégiques.

Notre ambition pour l’avenir est de renforcer la rigueur et la pertinence des connaissances produites par la Commission pour que cette dernière devienne une source reconnue d’analyses et de données sur le développement africain. Les connaissances générées seront également étayées par des statistiques solides afin de faire de la CEA comme une source formidable d’analyses et d’observations de qualité. Nous allons également investir dans de nouvelles stratégies pour mieux présenter et diffuser nos produits de savoir à nos principaux clients. À cet égard, nous allons réévaluer avec soin les différentes catégories de nos produits de savoir et leur efficacité pour ce qui est de sensibiliser, informer et influencer les communautés cibles.

Nous allons étudier de près la planification du développement pour rétablir les capacités dans nos pays, promouvoir les liens intersectoriels et permettre une plus grande coordination des investissements et de l’activité économique. Des investissements importants seront également faits en faveur du développement de la statistique, ce qui couvrira la création et la maintenance de bases de données originales dans tous les domaines du développement, le renforcement des capacités statistiques nationales, régionales et continentales, la production et la distribution de bulletins statistiques périodiques généraux et thématiques, et la cartographie systématique des différentes richesses de notre continent afin de donner une base factuelle rigoureuse et cohérente pour l’élaboration de politiques en Afrique.

Plusieurs thèmes intersectoriels seront également intégrés dans les activités de base de la Commission, notamment l’égalité des sexes, la gouvernance, l’intégration régionale, les statistiques, les politiques climatiques, l’enseignement supérieur, la science et la technologie, ainsi que la durabilité. Par ailleurs, nous veillerons à favoriser des partenariats et des alliances institutionnelles pour projeter les activités de la Commission à l’appui de la transformation du développement de l’Afrique.

Mesdames et Messieurs les ministres,

Nous avons conscience que la nouvelle direction prise par la CEA exige une reconfiguration de notre structure institutionnelle. Nous avons l’intention d’y procéder de façon à permettre la réalisation des objectifs que je viens d’énoncer. Nous comptons sur l’appui de nos États membres, dont la volonté collective est représentée ici par cet éminent Conseil et par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement.

En conclusion, laissez-moi vous dire mon enthousiasme face aux perspectives de transformation structurelle et au potentiel d’une Afrique intégrée, prospère et pacifique. Telle était la vision des fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine et de leurs successeurs à l’Union africaine. Nous sommes sur le point de réaliser ces nobles objectifs et j’annonce solennellement la détermination sans faille de la CEA qui, comme je l’ai dit précédemment, sera guidée par cette maxime: «L’Afrique d’abord!».

Je vous remercie de votre aimable attention.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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