Mali – Déclarations du porte-parole du Quai d’Orsay

PARIS, France, 23 janvier 2013/African Press Organization (APO)/ — Déclarations du porte-parole du Quai d’Orsay

Q – Le MNLA se dit prêt, par voie de presse, à se battre aux côtés des Français et des Maliens contre les insurgés. Avez-vous eu une communication officielle du MNLA ?

R – Une remarque générale tout d’abord pour replacer cette question dans le cadre plus général fixé par les trois résolutions successives du Conseil de sécurité. Figure notamment dans ces résolutions la nécessité pour les autorités maliennes d’engager un dialogue politique avec les groupes rebelles non-terroristes du Nord, c’est-à-dire ceux qui respectent les deux conditions fixées par ces résolutions : la reconnaissance de l’intégrité territoriale du Mali et le renoncement à la violence.

Toute déclaration allant dans ce sens est une bonne chose, étant entendu qu’il faut qu’il y ait des faits derrières les mots. Nous l’avions rappelé ici, à l’occasion de réunions qui s’étaient tenues à la demande d’une délégation du MNLA de passage à Paris. Ce message avait été passé de manière très claire.

Pour le reste, non, il n’y a pas eu à ma connaissance de communication officielle à la suite de ces déclarations, que j’ai lues comme vous dans les dépêches d’agences.

Q – Avez-vous une réaction après les déclarations du Président égyptien hier, dans lesquelles il condamnait l’usage de la violence par les Français au Mali ?

R – Il faut rappeler tout d’abord que nous sommes – France et Egypte – d’accord sur les priorités que la communauté internationale s’est fixée pour le Mali, au moins sur quatre points essentiels : la nécessité d’assurer l’intégrité territoriale au Mali ; la nécessité d’assurer la stabilité de la région et d’éviter que la crise, par contagion, n’affecte les pays limitrophes ; la nécessité d’une solution politique au Mali ; enfin, la nécessité de lutter contre le terrorisme. En d’autres termes, je crois pouvoir dire que l’Egypte et la France partagent les objectifs fixés par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, toutes trois adoptées sous le chapitre 7 de la Charte, et à l’unanimité.

Il faut certainement par ailleurs que, dans les contacts étroits que nous avons avec les autorités égyptiennes – aussi bien ici depuis Paris que via notre ambassade au Caire – nous poursuivions nos discussions de façon qu’elles partagent notre analyse sur la gravité de ce qui se joue aujourd’hui au Mali et sur la nécessité urgente d’y remédier.

Q – Comment on peut expliquer ces critiques, alors qu’une visite du président égyptien est prévue à Paris ?

R – Ce n’est pas à moi d’expliquer les propos du Président Morsi, d’en faire l’exégèse et d’en détailler les ressorts. C’est à moi, en revanche, de vous dire ce que nous comptons faire. J’insiste sur la nécessité de cette pédagogie sur les raisons de notre intervention en urgence au Mali. Concernant la visite du Président Morsi à Paris, le Mali figurera certainement au nombre des sujets abordés avec lui.

Q – Je ne comprends pas pourquoi vous êtes réticent à exprimer le fond de votre pensée sur cette position assez critique du président égyptien.

R – Je viens de vous dire le fond de ma pensée : si je lis correctement les déclarations du Président Morsi, il faut manifestement que nous nous expliquions encore davantage.

Cette position, telle qu’il l’exprime, est manifestement minoritaire. Quand on met en effet bout à bout, sous différentes formes, les manifestations de soutien de la communauté internationale, nous avons un très large consensus, dans les différentes enceintes internationales comme dans nos contacts bilatéraux. Et cela va très au-delà du seul soutien de principe, comme en témoignent les contributions de nos partenaires, à un titre ou à un autre.

Q – Quel est la différence entre votre stratégie au Mali et les stratégies mises en oeuvre par les Américains, qui ont été un grand échec. Ils ont investi 600 millions de dollars pour former l’armée malienne… Au-delà de votre stratégie militaire, qu’allez-vous faire différemment pour que ça réussisse cette fois-ci ?

R – Il faut distinguer le très court et le plus long terme.

Le premier impératif – et cela a été dit de manière très claire par le président de la République mais aussi par les ministres des affaires étrangères et de la défense – était de répondre à une urgence immédiate. Si nous n’étions pas intervenus, c’est le Mali qui disparaissait et qui passait sous l’emprise totale de groupes terroristes. Avec des conséquences graves non seulement pour ce pays, pour la région, mais au-delà pour nous, Européens, Français et d’autres encore. Ce premier volet était absolument nécessaire. Nous ne prétendons pas qu’il soit suffisant.

A moyen ou long terme, il y a deux autres objectifs, au-delà du seul objectif sécuritaire : un objectif politique et un objectif humanitaire ou de développement, qui sont les véritables conditions d’une stabilité durable pour ce pays. Il s’agit à la fois de conditions relevant directement de la responsabilité des autorités maliennes (pour la feuille de route, le processus électoral, le dialogue politique en direction des populations du nord du pays) et d’un aspect de développement qui engage les Nations unies et l’Union européenne notamment

Ma troisième remarque, c’est que nous sommes tous aujourd’hui d’accord pour dire qu’il faut une stratégie plus globale en direction de cette région. C’est non seulement le Mali qui est en jeu, mais toute la zone du Sahel. Il n’y a pas de sécurité sans développement et pas de développement sans sécurité. C’est ce constat, unanimement partagé, qui inspire par exemple la stratégie pour le Sahel adoptée par l’Union européenne.

Q –Quels sont les objectifs de la réunion d’Addis-Abeba prévue dans les prochains jours ?

R – C’est une réunion très importante. Cette conférence de donateurs portera sur l’utilisation et l’approvisionnement des deux « trust funds » créés ou en passe de l’être, respectivement au bénéfice des forces armées maliennes et de la MISMA. Pour vous donner un ordre d’idée, et même si ce sont des chiffres à affiner, on estime le besoin pour les forces armées maliennes à environ 120 millions d’euros et pour la MISMA à 220 millions d’euros en année pleine.

L’effort qui est en train de se mettre en place doit être soutenu dans la durée : la mobilisation internationale doit donc porter non seulement sur la mise à disposition de troupes ou de moyens logistiques, elle doit aussi s’exprimer par un volet financier, qui est l’objet de la réunion d’Addis-Abeba.

Q – Peut-on avoir des précisions sur ces chiffres ?

R – Ce sont des ordres de grandeur. Ils seront affinés, notamment à New York par le secrétaire général des Nations unies dans les jours qui viennent.

Q – Avez-vous arrêté votre contribution pour la France ?

R – Pas encore. Nous sommes dans une situation un peu particulière. Il faut aussi que nous prenions en compte les coûts que nous avons déjà engagés ou que nous sommes en train d’engager.

Q – Cela sera en plus de l’aide européenne de 50 millions d’euros qui a déjà été débloquée ?

R – Pour ce qui concerne l’Union européenne, les premières ébauches avaient été faites sur l’hypothèse d’un déploiement de la MISMA à hauteur de 3 300 hommes. On est très au-delà aujourd’hui. Il faut donc prendre en compte cette augmentation.

Q – Est-ce Ban Ki-moon qui présidera la réunion d’Addis-Abeba ?

R – A ma connaissance oui. Mais tout cela n’est pas encore complètement confirmé, donc c’est à lui qu’il faut poser la question. C’est sous l’égide de l’ONU.

Q – Avez-vous des informations sur des exactions? Il y aurait eu à Sévaré des exécutions sommaires de djihadistes ou de Touaregs.

R – Je n’ai pas confirmation de ces informations. Une chose est sûre, c’est que nous serons très vigilants sur ce point. Il est hors de question que nous acceptions aucune forme de violation des droits de l’homme. Nous sommes très attentifs à ce qu’il n’y ait aucun dérapage ou exaction à l’occasion ou en marge des opérations qui se déroulent aujourd’hui.

C’est d’ailleurs la France qui avait insisté pour que des dispositions relatives au respect des droits de l’homme soient inscrites dans la résolution 2085. Cela vise les exactions qui pourraient être commises aussi bien à l’encontre de combattants que des populations civiles. Toute forme d’exaction serait à nos yeux inacceptable et il n’y aura aucune espèce d’impunité.

Q – Sur le plan militaire, le ministre de la Défense a dit il y a deux jours que l’objectif est de recouvrer la totalité du territoire malien. Est-ce que vous allez attendre l’arrivée des troupes africaines pour aller au-delà de la ligne de stabilisation ?

R – L’objectif est bien celui de la restauration de l’intégrité territoriale du Mali et de sa souveraineté sur l’entièreté de son territoire. Les opérations, pour l’instant, sont concentrées sur la ligne Ouest-Est avec Mopti au centre parce que cette ligne, si elle avait été franchie, aurait ouvert la porte de Bamako. La première priorité militaire, c’était en effet de stopper l’avancée des groupes terroristes qui descendaient dans cette zone-là. Il y a eu également des frappes aériennes plus au Nord, notamment à Gao pour couper les lignes de ravitaillement des groupes venus du Nord. Notre objectif reste de passer le relais aux forces armées maliennes, appuyées par la force africaine qui est en cours de déploiement. Ce sont ces forces qui remonteront ensuite vers le Nord, avec l’appui français si nécessaire.

Q – Pour ces frappes et l’utilisation de vos avions basés au Tchad et en dehors du Mali, qu’avez-vous invoqué comme accord technique ou militaire?

R – Je vous renvoie au ministère de la Défense.

Q – Est-ce que vous confirmez le transport de militaires américains vers le Mali ? Un avion C17 américain transportant des soldats américains et du matériel aurait décollé d’Istres. Cela a été confirmé par le porte-parole de l’Africom à Stuttgart.

R – Je ne peux pas vous le confirmer. Je n’ai pas vu la dépêche. Je sais en revanche qu’il y a des discussions avec les Américains sur le volume et la nature de l’aide qu’ils peuvent nous apporter.

Q – Est-ce que ça s’est concrétisé avec les Russes pour l’aide sur le volet transport ?

R – C’est en cours de discussion avec eux.

Q – Est-ce que la France est prête à se lancer dans une reconquête du Nord-Mali toute seule, ou bien avec l’appui international qu’elle a en ce moment ?

R – Le rétablissement de l’intégrité territoriale du Mali est un objectif fixé par la communauté internationale dans la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies. L’intervention française est justifiée, c’était son premier objectif, par la nécessité de stopper la descente des groupes terroristes vers le Sud, et de les stopper dans les environs de Mopti. Au-delà, il a toujours été entendu que la France passerait le relais aussi vite que possible à la force africaine, appuyant les forces armées maliennes.

Auteur de l’article : Agence-Presse

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