Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine

ADDIS ABEBA, Ethiopie, 19 juillet 2012/African Press Organization (APO)/ — DÉCLARATION SOLENNELLE SUR LA SITUATION AU MALI

Nous, chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine, lors de notre 19ème session ordinaire, tenue à Addis Abéba, en Éthiopie, les 15 et 16 juillet 2012:

‐ Profondément préoccupés et alarmés par la situation qui prévaut au Mali;

‐ Notant que la poursuite de l’occupation de la partie nord du Mali par divers groupes armés, terroristes et criminels, constituent une menace sérieuse pour la paix, la sécurité et la stabilité dans la région et au‐delà;

‐ Condamnant fermement les violations graves des droits de l’homme perpétrées dans la partie nord du Mali, ainsi que la destruction insensée et inacceptable par les groupes armés, terroristes et criminels actifs sur le terrain du patrimoine culturel, spirituel et historique de cette région, notamment à Tombouctou;

‐ Profondément préoccupés par la détérioration continue de la situation humanitaire dans la partie nord du Mali, et soulignant la nécessité d’une action urgente pour permettre l’acheminement de l’aide alimentaire aux populations touchées;

‐ Soulignant la nécessité urgente de consolider les institutions de la Transition mises en place dans le cadre du processus de retour à l’ordre constitutionnel, afin de permettre au Mali de faire face aux défis existentiels auxquels le pays est confronté et de faciliter la mobilisation de l’appui international nécessaire à cette fin;

‐ Exprimant notre gratitude à la CEDEAO, aux pays du champ et à l’ensemble de la communauté internationale pour leurs efforts soutenus et contribution au règlement rapide de la crise, et se félicitant, à cet égard, de l’adoption, par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 5 juillet 2012, de la résolution 2056 (2012);

‐ Constatant que la situation au Mali remet en cause certains des principes les plus fondamentaux de l’Union africaine, notamment le respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale des États membres, le rejet absolu de la rébellion armée pour faire valoir des revendications politiques, ainsi que le rejet du terrorisme et des activités criminelles connexes;

‐ Rappelant les termes de tous les communiqués et décisions de l’UA et la CEDEAO sur la situation au Mali;

‐ Affirmant notre détermination à travailler ensemble pour s’attaquer collectivement à la situation actuelle et surmonter les défis y relatifs;

CONVIENNENT DE CE QUI SUIT:

(a) Entérinons pleinement le communiqué PSC/AHG/COMM/1. (CCCXXVII) adoptée par le 327ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, tenue à Addis Abéba, le 14 juillet 2012, sous la présidence de S.E. Alassane Dramane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire et Président en exercice de la CEDEAO, en sa qualité de Président du CPS pour le mois de juillet 2012, communiqué qui se lit comme suit:

«Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), en sa 327ème réunion tenue le 14 juillet 2012, a adopté la décision qui suit sur la situation en République du Mali:

Le Conseil,

1. Prend note du rapport du Président de la Commission sur l’évolution de la situation au Mali [PSC/AHG/3(CCCXXVII)]. Le Conseil prend également note des déclarations faites par le Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Médiateur de la CEDEAO, le Président de la Commission de la CEDEAO, les Nations unies et par les représentants des Pays du champ, à savoir la Mauritanie, le Niger et l’Algérie, ainsi que par l’Afrique du Sud et le Togo, comme Etats membres de l’UA siégeant au Conseil de sécurité des Nations unies;

2. Rappelle ses communiqués antérieurs sur la situation au Mali ;

3. Réaffirme l’attachement indéfectible de l’UA et de l’ensemble de ses États membres à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de la République du Mali, qui ne sauraient faire l’objet d’aucune discussion ou négociation, ainsi que la détermination de l’Afrique à ne ménager aucun effort pour assurer leur préservation. Le Conseil réaffirme également le rejet absolu par l’UA du terrorisme et du recours à la rébellion armée pour faire valoir des revendications politiques ;

4. Exprime sa profonde préoccupation face à la gravité de la situation qui prévaut au Nord du Mali, marquée par le renforcement de l’emprise des groupes armés, terroristes et criminels sur la région. Le Conseil note avec préoccupation la présence au Nord du Mali de différents groupes terroristes et armés, tels que Al‐Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), Ansar Dine, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Boko Haram. Le Conseil souligne que cette situation constitue une grave menace à la paix et à la sécurité régionale et internationale et, comme tel, appelle une action urgente et effective de la part de l’ensemble de la communauté internationale ;

5. Condamne fermement les violations des droits humains dont se rendent coupables les différents groupes armés, terroristes et criminels qui occupent la partie nord du Mali, ainsi que la destruction insensée et inacceptable du patrimoine, culturel, spirituel et historique de cette région, notamment à Tombouctou, qui constitue une violation grave du droit international, et demande instamment que leurs auteurs soient traduits devant les juridictions internationales compétentes. Le Conseil note également la détérioration continue de la situation humanitaire dans la région, et souligne la nécessité de prendre des mesures urgentes pour permettre l’acheminement de l’aide alimentaire aux populations affectées. Le Conseil réitère la gratitude de l’UA à l’Algérie, au Burkina Faso, à la Mauritanie et au Niger, pour avoir accueilli des réfugiés maliens et pour l’aide et l’assistance qu’ils apportent. Le Conseil remercie également toutes les agences humanitaires apportant un appui aux populations affectées ;

6. Réitère l’appui total de l’UA aux efforts que déploie la CEDEAO en vue du règlement de la crise que connaît le Mali. A cet égard, le Conseil rend hommage aux Présidents Alassane Dramane Ouattara, Président de la Côte d’Ivoire et Président en exercice de la CEDEAO, Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso et Médiateur dans la crise malienne, Goodluck Jonathan, Président du Nigéria et Médiateur associé, et aux autres membres du Groupe de contact de la CEDEAO sur le Mali, ainsi qu’au Président Thomas Yayi Boni, Président du Bénin et Président en exercice de l’UA, pour leur engagement et leur action soutenue. Le Conseil note également avec satisfaction l’action des Pays du champ. Le Conseil se félicite de l’interaction qui s’est développée entre la CEDEAO et les Pays du champ, et encourage tous les acteurs concernés à persévérer sur cette voie, conformément à sa décision du 20 mars 2012, à Bamako [PSC/MIN/COMM.(CCCXIV)] ;

7. Fait siens les communiqués publiés à l’issue de la 41ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, tenue à Yamoussoukro, les 28 et 29 juin 2012, et de la deuxième réunion du Groupe de contact de la CEDEAO sur le Mali, qui a eu lieu à Ouagadougou, le 7 juillet 2012. Le Conseil se félicite également de l’adoption, le 5 juillet 2012, par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 2056 (2012) ;

8. Renouvelle sa ferme condamnation de l’agression physique perpétrée contre le Président par intérim, M. Dioncounda Traoré, et demande au Président de la Commission, en collaboration avec le Président de la Commission de la CEDEAO, de mettre en place, avec le soutien des Nations unies, une Commission internationale d’enquête pour faire la lumière sur cette agression et identifier ses auteurs et commanditaires, en vue de permettre leur traduction en justice. Le Conseil demande aux autorités actuelles, travaillant étroitement avec la CEDEAO, de faciliter le retour au Mali du Président par intérim, afin qu’il puisse assumer pleinement et de façon effective ses responsabilisés ;

9. Réitère la nécessité urgente du renforcement des institutions de la transition, en vue de permettre au Mali de faire face aux graves défis auxquels il est confronté, particulièrement dans le Nord du pays. A cet égard, le Conseil exige l’arrêt de l’immixtion inacceptable des militaires de la junte et de leurs soutiens civils dans la gestion de la transition et la dissolution effective du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE). Le Conseil demande la finalisation rapide de la liste des individus dont l’action entrave le bon déroulement de la transition, en vue de l’imposition immédiate de sanctions par l’UA et la CEDEAO. Le Conseil demande au Conseil de sécurité des Nations unies et aux autres partenaires de l’UA de soutenir de telles sanctions ;

10. Demande instamment au Président de la République et au Premier ministre d’entamer immédiatement les consultations nécessaires avec les acteurs politiques et la société civile, en vue de la formation d’un Gouvernement élargi d’union nationale, comme demandé par la CEDEAO, l’UA et les Nations unies. Le Conseil invite les Présidents des Commissions de l’UA et de la CEDEAO, en concertation étroite avec la Médiation et avec l’appui du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et d’autres partenaires, sur la base des conclusions de la réunion du Groupe de contact de Ouagadougou, de faciliter la tenue, dans les plus brefs délais, de consultations entre les acteurs maliens, à Bamako, en vue de la formation du Gouvernement d’union nationale avant le 31 juillet 2012, conformément à la décision à la réunion du Groupe de contact. Le Conseil souligne que la formation de ce Gouvernement marquera le parachèvement du processus de normalisation institutionnelle et ouvrira la voie à la levée de la mesure de suspension prise par l’UA et à une plus grande mobilisation de l’Afrique et du reste de la communauté internationale en appui aux efforts des autorités de la transition;

11. Encourage le dialogue avec les groupes disposés à négocier sur la base du respect de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali, ainsi que du rejet total de la rébellion armée, du terrorisme et des activités criminelles connexes. A cet égard, le Conseil réaffirme son appui aux efforts déployés par le Médiateur et le Groupe de contact de la CEDEAO, et souligne la nécessité d’une coordination continue avec les Pays du champ ;

12. Réitère sa détermination à imposer des sanctions contre les groupes terroristes et criminels opérant au Nord du Mali, ainsi qu’à l’encontre de tout autre groupe armé qui fait obstacle à la recherche d’une solution à la crise et aux efforts de la CEDEAO et de l’UA. A cet égard, le Conseil demande à tous les Etats membres concernés d’apporter leur entière coopération à la Commission en vue d’accélérer la finalisation de la liste des groupes armés, terroristes et criminels actifs au Nord du Mali, aux fins de leur inscription sur la liste des groupes terroristes établie par l’UA, conformément au communiqué PSC/PR/COMM (CCCXVI), adopté lors de sa 316ème réunion tenue le 3 avril 2012 ;

13. Rappelle son communiqué PSC/PR/COMM.(CCCXXIII) du 12 juin 2012, autorisant la CEDEAO, en collaboration, le cas échéant, avec les Pays du champ, à mettre en place les dispositifs sécuritaires et militaires requis, en vue de la réalisation des objectifs suivants: (i) assurer la sécurité des institutions de la transition, (ii) restructurer et réorganiser les forces de sécurité et de défense du Mali, et (iii) restaurer l’autorité de l’Etat sur la partie Nord du pays, ainsi que lutter contre les réseaux terroristes et criminels. Le Conseil se félicite des mesures prises par la CEDEAO à cet égard, y compris l’envoi d’une mission d’évaluation technique à Bamako, avec la participation de l’UA. Le Conseil renouvelle son appel à tous les Etats membres et à la communauté internationale dans son ensemble, pour qu’ils apportent l’appui technique, logistique et financier nécessaire ;

14. Se félicite du lancement par la Commission de l’UA, à l’occasion de la réunion consultative tenue à Addis Abéba, le 23 juin 2012, du processus d’élaboration d’un concept stratégique articulant de manière holistique les mesures politiques, sécuritaires et militaires à prendre, en vue du règlement rapide de la crise au Mali. Le Conseil demande la finalisation rapide de ce concept avec la CEDEAO, en concertation avec les Pays du champ, ainsi qu’avec les Nations unies, l’Union européenne et d’autres partenaires. Le Conseil souligne que ce document et la planification conduite par la CEDEAO doivent se renforcer mutuellement. Le Conseil exprime son intention d’examiner et d’adopter ce concept aussi rapidement que possible, avant sa soumission au Conseil de sécurité des Nations unies, pour lui permettre d’examiner plus avant la demande de la CEDEAO et de l’UA, conformément au paragraphe 18 de sa résolution 2056(2012) ;

15. Demande à la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples d’ouvrir une enquête sur la situation des droits humains au Nord du Mali, y compris les exactions commises contre les militaires maliens et leurs familles à Aguel’hoc, en janvier 2012, et de lui soumettre un rapport exhaustif, avec des recommandations concrètes sur les mesures à prendre ;

16. Décide de rester activement saisi de la situation».

(b) Prions le Président de la Commission de l’UA et le Président de la Commission de la CEDEAO, en consultation avec le Médiateur de la CEDEAO sur la crise malienne, les pays du champ et d’autres États membres de l’UA appartenant à la région, y compris le Tchad, de prendre des mesures urgentes pour la mise en œuvre effective de toutes les dispositions du communiqué du CPS;

(c) Exhortons le Conseil de sécurité et le Secrétaire général des Nations unies, ainsi que tous les autres partenaires de l’UA, à apporter un soutien total aux efforts conduits par l’Afrique et de prendre toutes les décisions nécessaires à cette fin;

(d) Accueillons avec satisfaction la création, par le CPS, le 20 mars 2012, du Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali et la tenue de sa réunion inaugurale à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le 7 juin 2012, et appelle à son renforcement, en particulier à travers l’élargissement de sa composition pour y inclure d’autres Etats membres de l’UA appartenant à la région, tel que la République du Tchad, et la convocation de réunions restreintes au niveau approprié en appui aux efforts visant à résoudre rapidement la crise au Mali;

(e) Demandons au CPS de se réunir à chaque fois que les circonstances l’exigent, au niveau des chefs d’Etat et de Gouvernement, ou/et au niveau des Ministres, aux fins de suivre de près l’évolution de la situation et de prendre les mesures appropriées au nom de l’ensemble des Etats

Auteur de l’article : Agence-Presse

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